samedi 3 décembre 2022

A la recherche de patrons de clinique en voie de disparition

 

Un chirurgien, Pdg de sa clinique que j’avais aidé à construire m’annonce que ses associés médecins ne voulaient pas s’occuper de gestion et souhaitaient vendre leurs actions à un groupe financier.

Il est le dernier d’une longue liste de médecins responsables de cliniques privées qui ont passé la main.

En préambule de mon livre Je vous ai bien aimés, docteurs*, publié en 2005, j’écrivais, déjà : « Je veux  témoigner d’une époque où de jeunes médecins (le plus souvent chirurgiens, mais aussi gynécologues obstétriciens) construisaient à la sortie de leur clinicat avec d’autres médecins associés leur propre clinique privée dans des conditions difficiles, et parfois rocambolesques et sans le savoir, participaient à la mise en place d’un réseau hospitalier performant que nous connaissons aujourd’hui. Non seulement ils créaient des établissements hospitaliers d’excellente qualité, mais aussi stimulaient l’esprit de compétition des cliniques anciennes et des hôpitaux publics. » Et je citais un directeur départementale de l’action sanitaire et sociale qui m’avait déclaré :“Si au moins, il existait une clinique privée dynamique pour obliger mon hôpital à se développer.“

Le binôme Pdg Médecin/Directeur

Le médecin qui avait accepté la charge de responsable de l’exploitation de la clinique s’appuyait sur les compétences administratives, juridiques et comptables de son directeur. Il assurait le relai indispensable entre les médecins et l’administration de l’établissement.

Bien entendu, il fallait que le PDG médecin s’instruise suffisamment des contraintes notamment financières, ait un minimum de culture économique. Je révèle ici une anecdote au sujet de mon dictionnaire DICOMAZ*. Ce qui m’a décidé de l’écrire est l’usage et la compréhension du mot amortissement que je devais expliquer chaque fois aux nouveaux administrateurs et cela depuis plus de vingt ans. Toute une partie de DICOMAZ est consacrée à l’économie d’entreprise. Je justifiais dans ma préface son importance par la nécessité pour les organisations hospitalières, quel que soit leur statut, sont des entreprises qui, bien que très spécifiques, doivent obéir de plus en plus aux mêmes exigences et utiliser les mêmes outils.

J’ajoute que devant les cris d’orfraie poussés par beaucoup, médecins, cadres administratifs quand ils entendent parler d’hôpital entreprise, que la finalité de l’hôpital n’est pas le profit qu’il soit public ou privé, ce qui le distingue d’une entreprise commerciale encore qu’aujourd’hui l’entreprise responsable ne recherche pas systématiquement le profit.

Pour sa part, le directeur devait posséder au moins un vernis de culture médicale. C’est la raison pour laquelle, j’avais lancé des formations animées par le regretté Docteur Lecaignard. Ces formations leur fournissaient des connaissances sur l anatomie des principaux organes, par exemple « le cœur et les vaisseaux » leur physiologie, leurs pathologies et surtout les différentes thérapies avec si possible leur coût/efficacité. 

Aujourd’hui, ces patrons de cliniques privées ont laissé place à des directeurs salariés de groupes financiers et les hôpitaux publics sont toujours dirigés par des cadres administratives.

Le gouvernement veut « réformer » l’Hôpital en donnant le ¨pouvoir aux médecins, mais ces derniers sont-ils capables, même si certains le proclament haut et fort. Sont-ils plus prêts aujourd’hui qu’ils ne l’étaient hier à apprendre comment fonctionne un hôpital. A l’Université de médecine de Saint-Etienne, j’avais démarré une formation d’économie de la santé et lors de la première séance, le directeur général du CHU, René Bandelier, un homme très ouvert que je salue et avec qui j’avais débattu sur les coûts respectifs de l’hospitalisation publique et privée, tous les gradins de l’amphithéâtre étaient occupés par des médecins, la plupart chefs de service. Etait même présent mon ami le Président de l’Université, le docteur Annino. Mais, les cours suivants, rapidement les médecins brillèrent par leur absence et mes élèves étaient surtout des cadres hospitaliers.

Je dois ajouter que les médecins hospitaliers sont comme les autres français allergiques à l’économie qu’on ne leur pas enseignée à l’école ou pire, mal enseignée. Certains en sont encore à rabâcher ce qu’avait dit un ministre de la Santé fraîchement nommée en 1981 “Je ne serais pas la ministre des comptes“ Sous-entendu, la Santé n’ayant pas de prix, alors pourquoi tenir des comptes !

En vérité, il faut non seulement les tenir, les comptes, mais les gérer au mieux des possibilités financières qui ne sont pas illimitées au regard des besoins de plus en plus grands de nos concitoyens  et les patrons de clinique sont les mieux placés pour cela.   

·       Publié aux éditions Ifrhos

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire