vendredi 26 juin 2020

L'Honnête homme Professeur. Première partie



Je tiens à rappeler en préambule, une fois de plus pour ceux qui n’auraient pas lu les chapitres précédents, que l’Honnête homme, quelle que soit sa profession, quelle que soit son activité se distingue de l’homme ordinaire par la conscience aigüe qu’il a de ne pas être parfait et   sa volonté de devenir meilleur.  

Tout au long de mon exposé, il m’arrivera de distinguer les professeurs de l’enseignement primaire, appelés autrefois du beau nom d’instituteur, des professeurs de l’enseignement secondaire et de ceux du supérieur.

Tout d’abord je veux souligner que leur tâche à tous est rendue difficile aujourd’hui pour plusieurs raisons :
- la démission des adultes
- le relativisme moral ambiant
- la perte d’autorité des parents
- le jeunisme triomphant
Pour résumer, je citerai à 25 siècles de distance, PLATON et le philosophe Robert REDECKER.
Le premier : « Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de personne, alors c’est là en toute jeunesse et en toute beauté, le début de la tyrannie. »
Le second : « Nous vivons dans une société persuadée depuis trois ou quatre lustres qu’il faut mettre les jeunes à l’abri du réel. La famille, l’école et la publicité installent l’enfant, puis le jeune, à l’écart de la dureté du réel. On incite l’enfant à exercer la tyrannie de son désir sur les adultes coupables d’être adultes. »

L’Honnête homme Professeur doit :
Mettre les enfants qui lui sont confiés à leur juste place et savoir exercer sur eux son autorité afin qu’il puisse captiver leur attention et leur transmettre son savoir dans les meilleures conditions.
 Ce n’est pas à l’enfant de dicter au professeur ce qu’il veut apprendre pas plus qu’il ne doit décider ce qu’il veut manger à la table familiale ou au restaurant. « L’école est un lieu où l’on apprend ce qu’on ne sait pas, non un lieu où on exprime ce que l’on croit savoir » rappelait Monique CANTO SPERBER, ancienne directrice de l’ENS de la rue d’Ulm.

Exercer son autorité.
L’autorité du professeur comme celle des parents, il ne la détient pas, il l’exerce et pour cela il faut qu’il soit compétent dans son domaine, irréprochable dans son comportement et les enfants doivent sentir qu’il les aime. Le philosophe Michel SERRES qui vient de nous quitter dans l’indifférence des médias, je le dis en passant pour le regretter amèrement, nous apprend qu’autorité vient du verbe latin augere qui signifie augmenter.  Ainsi son autorité d’écrivain augmente la connaissance de ses lecteurs de même que l’autorité d’un professeur augmente celle de ses élèves.

Captiver son attention
Cela n’est pas toujours chose aisée. L’auteur de ces lignes en a eu la triste expérience deux fois dans sa vie. La première avec des jeunes filles totalement allergiques au cours d’italien commercial qu’il leur donnait, la seconde avec d’autres jeunes gens des deux sexes, cette fois, censés suivre son cours, il est vrai, oh combien indigeste, sur les assurances. Dans les deux cas, il avait dû utiliser différents stratagèmes pour tenter de les intéresser.

Je rappelle que :
L’Honnête homme, quelle que soit sa profession, doit exercer une activité économiquement et socialement utile en y exploitant ses talents.
Je peux donc dire que dans les deux cas, je ne remplissais pas les conditions requises, excepté le plaisir que j’avais de parler une langue qui m’est chère, même réduite à son usage purement commercial. J’avais certes une excuse, je devais gagner ma vie. Mais ce ne fut que temporaire à mon retour d’Algérie avant de débuter une carrière bancaire.   

Mais nous n’étions alors qu’au début des années 60. Aujourd’hui, la tâche des professeurs, surtout dans le primaire et le secondaire, est rendu plus difficile pour les raisons que j’ai indiquées mais aussi par des élèves excessivement sollicités par la télévision, internet et les téléphones mobiles qui s’invitent en classe. 
Dans l’enseignement supérieur, cela est différent, les étudiants ont pour la plupart voulu et choisi d’être sur les bancs de L’Université ou d’une grande Ecole, encore qu’ils puissent leur arriver de se montrer parfois inattentifs. Dans les cours que j’ai donné aux élèves de l’Ecole de Commerce de Lyon, je n’ai jamais accepté d’être dérangé par quelque perturbation que ce soit, même par de simples chuchotements entre deux élèves assis côte à côte. Pour obtenir le silence, je m’adressais aux troublions leur disant que je comprenais fort bien que mon exposé ne les intéressât point - moi-même quand j’étais étudiant il m’était arrivé de m’ennuyer durant certains cours- mais je leur demandais, soit de se taire et s’occuper par exemple à lire un journal s’ils en avaient un, soit de quitter la salle. Plus tard quand j’animerais de journées d’étude auprès de professionnels, j’exigerais le même respect de la part de mes auditeurs.

Pour comprendre mon attitude qui peut paraître sévère, voire rigide, il faut que le lecteur sache, s’il n’est pas enseignant lui-même, que vouloir transmettre son savoir est une épreuve physique redoutable et qu’une grande concentration est indispensable. La première fois que j’ai animé une journée d’étude auprès de chefs d’entreprise qui s’intitulait « Votre banquier et vous », mes collègues, à la fin de mon intervention, avaient dû me porter à bout de bras pour me sortir de la salle, mes jambes se dérobant sous moi. 

Aujourd’hui je réalise que mon souci du respect scrupuleux de l’exercice de l’autorité du professeur trouve son origine dans la fréquentation de mon lycée, le Lycée Claude Fauriel. J’assistais impuissant à de véritables exécutions de profs parmi les meilleurs - je pense à un prof d’anglais passionné de Shakespeare qui avait contre lui une voix de fausset et l’un d’histoire géo, grand connaisseur de la Révolution française et de la Révolution russe qu’il aimait comparer- par des groupes d’élèves, qui avec un plaisir sadique les chahutaient en permanence. Les mêmes individus pleutres que je retrouverais dans les bizutages et plus tard au service militaire pendant les classes.

Je n’ai pas eu l’honneur d’enseigner dans une école primaire ou un collège, mais je sais que pour les raisons que je viens d’évoquer que je n’aurais jamais accepter du chahut dans ma classe ou sinon j’aurais démissionné.  

L’Honnête homme Professeur se doit de quitter ses fonctions, voire d’abandonner son métier, s’il ne peut pas exercer pleinement ses talents parce qu’il n’arrive tout simplement pas à obtenir l’attention de ses élèves. Il doit aussi l’abandonner s’il n’aime pas les enfants.

Changer de métier, nous avons vu que cela est assez aisé pour un médecin tellement sont nombreuses les possibilités de reconversion, mais pour un professeur, cela est plus difficile.  J’en suis bien conscient. Mais cela n’est pas impossible. Etant fonctionnaire, il peut se reconvertir dans l’Administration, en particulier dans les Collectivités locales. Et pourquoi pas s’exercer à un autre métier dans le commerce, l’agriculture ou l’artisanat ? J’ai connu un professeur de mathématiques qui s’était reconverti avec bonheur dans la direction d’un hôpital privé. Dans tous les cas, les transferts dans les deux sens du Privé au Public et vice versa est souhaitable aussi bien dans l’intérêt des personnes concernées que dans celui de la Collectivité.

Nous avons vu les conditions dans lesquelles l’Honnête homme Professeur doit exercer. Dans une seconde partie, nous verrons comment s’il est professeur d’enseignement primaire, il doit notamment dispenser à ses élèves une instruction civique et leur enseigner le goût et la vertu du travail.           
 



samedi 20 juin 2020

Et si nous décidions d'inverser les rôles

   Au lieu de renverser les rôles;  Mes excuses auprès des  lecteurs pour cette erreur commise dans la précipitation.

Et si nous décidions enfin de renverser les rôles


Dans mon Blog du 31 Mai, l’Honnête homme journaliste, j’affirmais que le journaliste politique avait le privilège de poser les questions et d’exiger des réponses de la part des personnes qu’il interview et je citais à l’appui Milan Kundera.  Celui-ci dans son livre L’Immortalité au chapitre intitulé :  Le onzième commandement, écrit « le pouvoir du journaliste ne se fonde pas sur le droit de poser une question, mais sur le droit d’exiger une réponse »

Je propose que pour une fois, nous inversions les rôles : Pourquoi ne serait-ce pas nous, les lecteurs ou les auditeurs, qui poserions des questions aux journalistes et exigerions qu’ils nous répondent. Cela d’autant plus, quand ces journalistes officient sur des stations de radio publiques, c’est-à-dire financées par nos propres impôts. Je ne sais pas si mes lecteurs connaissent leur contribution au financement de l’’audiovisuel public. Mais, qu’ils vérifient leur feuille d’impôt, ils s’apercevront qu’elle n’est pas négligeable quand on la multiplie par le nombre de foyers fiscaux. 37.4 millions en 2019.

Sur France Inter, deux d’entre eux, Léa SALAME et Nicolas DEMORAND ont interviewé récemment la Présidente du Rassemblement National. Celle-ci leur a déclaré que la France était le pays d’Europe où il y avait eu le plus de décès dû au Covid19, sans qu’ils réagissent devant un tel mensonge. Le nombre absolu de morts de même que le nombre de morts par habitant étant en réalité inférieur à ceux de plusieurs pays.

Ces deux journalistes ont trois réponses à leur disposition pour nous répondre :
1/ Nous ne savions pas que c’était un mensonge.
2/ Nous le savions, mais nous n’avons pas osé la contredire.
3/ Nous le savions, mais nous avons préféré nous taire pour permettre d’alimenter la controverse sachant que d’autres le feraient à notre place.

Dans le premier cas, il est pour le moins regrettable que des journalistes d’une des stations les plus écoutées de notre pays connaissent mal leurs dossiers.
Dans le second, nous pouvons nous demander pourquoi des journalistes soient timides au point de ne pas oser contredire leurs interlocuteurs et si leur attitude est constante, quel que soit la personne qu’ils reçoivent, de la majorité gouvernementale ou de l’opposition.
Dans le dernier, nous ne pouvons que condamner fermement ce comportement. En effet, même si des démentis sont apportés par la suite, ce qui fut fait, le mal est fait, il n’est pas récupérable. La personne qui a écouté France Inter ne va pas forcément lire ou entendre par la suite ces démentis. D’ailleurs, cela est vrai pour tous les démentis dans la Presse écrite publiés généralement quelques jours après en petit caractère.

J’ajoute que s’agissant d’une station de service public, la recherche de l’audience ne devrait pas être une priorité, comme dans une station privée financée par des annonceurs. Une station où les journalistes qui y travaillent devraient faire taire leur recherche de notoriété au bénéfice de la vérité plus discrète et moins vendeuse.

Cette démarche que j’entreprends est, je pense, salutaire car elle a pour but de défendre notre démocratie malmenée ces derniers temps. Il est aujourd’hui tout de même inquiétant de constater que nos compatriotes n’ont pas confiance dans ce que leur disent les journalistes. Encore moins que ce que leur disent les responsables politiques. 

Selon un sondage réalisé en Janvier Février 2020, à la question : Avez-vous confiance dans les informations données dans les médias, sur 40 pays, la France arrive à l’avant dernier rang avec 23% de réponses positives !

Notre démocratie est en danger. Comme la santé et la liberté, on en mesure vraiment la valeur capitale que lorsqu’on l’a perdue.