dimanche 31 mai 2020

L'Honnête homme journaliste



Le journaliste s’il est Honnête homme, outre qu’il doit respecter, bien entendu la charte d'éthique professionnelle des journalistes ci-dessous, doit obéir à un certain nombre de commandements.

1/ Avoir une conscience aigüe de sa responsabilité.
Vis-à-vis de ses lecteurs ou auditeurs. Il exerce un beau et noble métier, indispensable au fonctionnement de la démocratie, mais il est détenteur d’un pouvoir sans réel contrepouvoir le plus souvent, jouissant d’une liberté presque totale. Il a par exemple le pouvoir d’interroger les hommes et femmes politiques, non pas sur les sujets dont ceux-ci   voudraient parler, mais sur ce qu’ils souhaitent, eux.   Le pouvoir aussi de publier une phrase parmi les milliers de phrases prononcées par un candidat en campagne électorale. Comme l’analyse fort bien Milan KUNDERA dans l’Immortalité.* « Le droit du journaliste ne se fonde pas sur le droit de poser une question, mais sur le droit d’exiger une réponse ».
La liberté ne va pas sans responsabilité, il ne doit jamais l’oublier.

2/ Ne jamais confondre son métier de journaliste avec celui de propagandiste.

Sinon ce n’est pas un journaliste.  Je parle là de certains journalistes politiques.

3/ Ne pas fausser volontairement ou non l’appréciation et le jugement de celui qui le lit ou l’écoute.
Volontairement
Il doit employer le conditionnel chaque fois qu’il n’a pas pu   complétement vérifier une information. C’est le principe de base du métier. 
Involontairement
Pour cela, il doit :
-accepter de faire corriger par la personne interviewée son article quand il s’agit d’un sujet technique.
Par fierté ou par manque de conscience professionnelle, des journalistes, certains journalistes s’y refusent. J’en ai été victime plusieurs fois, après avoir été interviewé sur des sujets très techniques comme le financement des hôpitaux.
-refuser que son rédacteur en chef, à moins qu’il ne le soit lui-même, veuille lui imposer un titre à son article, s’il le juge trop réducteur ou tendancieux.  Il est certes très difficile dans le milieu de la Presse où il y a de très nombreux organes se livrant une concurrence acharnée, de vendre son journal et pour cela d’attirer l’attention et l’intérêt du lecteur, de l’auditeur ou du téléspectateur.

4/ Séparer l’exposé des faits, de l’analyse et des commentaires, voire des recommandations aux lecteurs ou auditeurs, c’est ce que j’ai essayé de faire pendant dix ans comme directeur d’une revue de management La lettre d’IFRHOS.

5/ Maîtriser son vocabulaire et constamment l’améliorer afin que son expression soit la plus juste possible.
Ce qui peut paraitre évident et ne l’est pas. Trouver chaque fois le juste adjectif qui convient.

6/ Eviter l’erreur de jugement
Qui consiste à rechercher parfois inconsciemment des éléments de preuve qui renforce notre point de vue et passons sous silence des informations qui le contredisent. Comme j’en ai parlé dans mon Blog du samedi 23 Mai. Quand les médecins disent parfois n’importe quoi.. Aucun d’entre nous, moi le premier, n’est à l’abri de cette erreur.

7/Abandonner toute prévention envers les entreprises dont le traitement médiatique en France est trop négatif par rapport à ce qu’il est dans d’autres pays et qui nuit à leur développement.  

8/Eviter de faire court à la radio ou à la télévision quand il s’agit de traiter de problèmes complexes qui demandent parfois de longs développements.

J’en ai fait une amère expérience. Une équipe de télévision m’avait interviewé en plein jardin du Luxembourg pour me demander mon avis sur l’Hôpital et seulement en quelques minutes chrono.  Si j’avais voulu plaire au journaliste qui m’interrogeait tandis que son collègue photographe me filmait tout en chassant les pigeons qui perturbaient son champ de vision, il eut suffi que j’affirme avec force qu’il fallait privatiser les hôpitaux publics ou nationaliser les cliniques privées. J’aurais fait le buzz.  
Raymond ARON se plaignait déjà que la nuance passe mal à la télévision car tout y est noir ou blanc

9/ Respecter le secret de l’enquête quand il y en a une et la présomption d’innocence.
Si non on passe du journalisme d’investigation au journalisme d’incitation qui incite les gens à proférer des accusations et cela est gravissime.  

En conclusion, les journalistes et ceux qui les emploient devraient s’interroger sérieusement sur le manque de confiance des citoyens envers eux qui n’a d’égal que celui qu’ils ont envers les politiciens.
Si l’Honnête homme journaliste est dans l’impossibilité d’obéir à ces commandements, il lui faut devenir son patron ou changer de métier et pour cela s’en donner les moyens.

Dans l’Honnête homme et le travail, **nous avions déjà vu qu’il ne doit pas hésiter à changer d’entreprise, voire de métier si l’activité qu’il exerce n’est pas utile économiquement et socialement, pas conforme à ses exigences morales et ne lui permet pas de se réaliser en lui permettant d’exploiter ses talents.  Questions, tout au moins la première, que peuvent se poser je pense, certains journalistes de chaines d’informations en continu, trop nombreuses dans notre pays.

Dans les prochains articles, nous examinerons le cas de l’Honnête homme médecin que j’ai plusieurs fois rencontré dans ma longue carrière.  
.* Aux éditions GALLIMARD
** Mes Blogs du 17 Novembre 2019 et 8 et 30 Décembre 2020




Charte d’éthique professionnelle des journalistes

Le droit du public à une information de qualité, complète, libre, indépendante et pluraliste, rappelé dans la Déclaration des droits de l’homme et la Constitution française, guide le journaliste dans l’exercice de sa mission. Cette responsabilité vis-à-vis du citoyen prime sur toute autre.
Ces principes et les règles éthiques ci-après engagent chaque journaliste, quelles que soient sa fonction, sa responsabilité au sein de la chaîne éditoriale et la forme de presse dans laquelle il exerce.
Cependant, la responsabilité du journaliste ne peut être confondue avec celle de l’éditeur, ni dispenser ce dernier de ses propres obligations.
Le journalisme consiste à rechercher, vérifier, situer dans son contexte, hiérarchiser, mettre en forme, commenter et publier une information de qualité ; il ne peut se confondre avec la communication. Son exercice demande du temps et des moyens, quel que soit le support. Il ne peut y avoir de respect des règles déontologiques sans mise en œuvre des conditions d’exercice qu’elles nécessitent.
La notion d’urgence dans la diffusion d’une information ou d’exclusivité ne doit pas l’emporter sur le sérieux de l’enquête et la vérification des sources.
La sécurité matérielle et morale est la base de l’indépendance du journaliste. Elle doit être assurée, quel que soit le contrat de travail qui le lie à l’entreprise.
L’exercice du métier à la pige bénéficie des mêmes garanties que celles dont disposent les journalistes mensualisés.
Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte ou exprimer une opinion contraire à sa conviction ou sa conscience professionnelle, ni aux principes et règles de cette charte.
Le journaliste accomplit tous les actes de sa profession (enquête, investigations, prise d’images et de sons, etc…) librement, a accès à toutes les sources d’information concernant les faits qui conditionnent la vie publique et voit la protection du secret de ses sources garantie.
C’est dans ces conditions qu’un journaliste digne de ce nom :
• Prend la responsabilité de toutes ses productions professionnelles, même anonymes ;
• Respecte la dignité des personnes et la présomption d’innocence ;
• Tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles ;
• Exerce la plus grande vigilance avant de diffuser des informations d’où qu’elles viennent ;
• Dispose d’un droit de suite, qui est aussi un devoir, sur les informations qu’il diffuse et fait en sorte de rectifier rapidement toute information diffusée qui se révèlerait inexacte ;
• N’accepte en matière de déontologie et d’honneur professionnel que la juridiction de ses pairs ; répond devant la justice des délits prévus par la loi ;
• Défend la liberté d’expression, d’opinion, de l’information, du commentaire et de la critique ;
• Proscrit tout moyen déloyal et vénal pour obtenir une information. Dans le cas où sa sécurité, celle de ses sources ou la gravité des faits l’obligent à taire sa qualité de journaliste, il prévient sa hiérarchie et en donne dès que possible explication au public ;
• Ne touche pas d’argent dans un service public, une institution ou une entreprise privée où sa qualité de journaliste, ses influences, ses relations seraient susceptibles d’être exploitées ;
• N’use pas de la liberté de la presse dans une intention intéressée ;
• Refuse et combat, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication ;
• Cite les confrères dont il utilise le travail, ne commet aucun plagiat ;
• Ne sollicite pas la place d’un confrère en offrant de travailler à des conditions inférieures ;
• Garde le secret professionnel et protège les sources de ses informations ;
• Ne confond pas son rôle avec celui du policier ou du juge.

Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (article XI)  : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi. »
Constitution de la France (article 34) : « La loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias. »
Déclaration des devoirs et des droits des journalistes (Munich, 1971) : le SNJ, qui fut à l’initiative de la création de la Fédération Internationale des Journalistes, en 1926 à Paris, est également l’un des inspirateurs de cette Déclaration qui réunit l’ensemble des syndicats de journalistes au niveau européen.