samedi 15 février 2020

L'Honnête homme et l'argent, les héritages





 « Ce que vous avez hérité de vos ancêtres, il faut le mériter par vous-mêmes, autrement, ce ne sera jamais à vous » GOETHE. 

Nous verrons comment l’Honnête homme peut suivre le conseil du célèbre romancier et poète allemand. Mais tout d’abord examinons les inconvénients et avantages que présente l’héritage pour ceux qui en bénéficient et pour la société.

Les inconvénients

Moralement, l’héritage en biens matériels ne peut être que désapprouvé car il ne rétribue aucun mérite et qui plus est, reproduit les inégalités sociales quand il ne les aggrave pas. La France, à cet égard est un paradis pour les héritiers, comme l’avait noté Philippe Manière dans un article de l’Express, qui constatait que nos compatriotes s’accommodaient fort bien, quoiqu’ils disent, de la reproduction des élites et de la domination des fils d’archevêque*. En effet 2/3 des milliardaires français devaient leur fortune à l’héritage, selon une étude américaine réalisée sur les 1200 plus grandes fortunes mondiales.

N’oublions pas que dans la grande majorité des cas, les héritiers bénéficient également, dès leur naissance, d’un héritage spirituel, social et culturel au moins aussi important, sinon plus et qui n’est pas non plus mérité.  Si vous êtes nés dans une famille cultivée, financièrement aisée et qu’il vous a été donnée de faire, toujours grâce à vos parents, des études dans les meilleurs établissements, que votre mère s’est arrêtée pour vous faire travailler, que vous avez pu perfectionné vos langues étrangères grâce à des séjours à l’étranger, que vous avez pu suivre des cours de rattrapage  et/ou de bachotage, que vous avez pu découvrir les plaisirs de la lecture, du théâtre, du cinéma, de la musique, de la peinture et des sports en toutes saisons , que vous surtout hérité d’un nom et bénéficier de réseau, quel est votre mérite ?
Vous avez peut-être travaillé pour réussir vos études, mais dès le plus jeune âge, vos parents vous ont inculqué le goût du travail et vos aptitudes physiques et mentales, vous en avez aussi en grande partie hérité !

Le syndrome de l’héritier.
Certains enfants sachant qu’un jour ils hériteront ne recherchent pas à donner leur pleine mesure dans leur vie professionnelle, voire même, se laissent aller à ne rien faire. ** C’est particulièrement vrai pour les enfants de la 3ème génération. On avait autrefois coutume de dire que ceux qui avaient assisté aux efforts de leurs parents pour créer leur entreprise, souvent partis de rien, les avaient ensuite aidé à la développer, alors que les petits enfants qui n’avaient pas connu les années laborieuses et difficiles et avaient été élevés dans la facilité la ruinaient ou au mieux s’en débarrassaient.
Il est particulièrement révoltant de voir des enfants gaspiller l’argent que leurs parents ou grands-parents ont eu parfois tant de peine à économiser tout le long de leur vie en se privant volontairement de dépenses de confort ou de loisirs.  

Les disputes entre héritiers
Non seulement les bénéficiaires d’un héritage n’ont aucun mérite, à quelques exceptions près, mais le comportement de certains est mesquin et parfois ignoble.
Les disputes qu’il génère entre les bénéficiaires sont révélatrices de la noirceur de l’âme humaine. Sur fond de vieilles rancunes, de jalousies ressassées et de règlements de compte, elles fissurent les familles quand elles ne les détruisent pas. Qui n’en connaît pas ?
Le lecteur comprendra que l’on ne puisse pas défendre le droit à l’héritage dans ces conditions.

Les avantages

Pour la société,
Si celle-ci est prospère pour la majorité de ses membres, elle l’est grâce au libéralisme économique fondé sur trois valeurs inséparables que sont : la liberté individuelle, la responsabilité personnelle et la propriété privée. Sans cette dernière, les deux premières disparaissent. Les pays communistes en ont fait l’amère expérience. La propriété privée qui s’acquiert et se développe par le travail, mais aussi inéluctablement par les héritages.

Pour les individus
Il est certain que tout homme et notamment tout entrepreneur sera encouragé à constituer un capital et à le développer, s’il sait que celui-ci sera légué à ses héritiers en espérant qu’ils auront, eux-aussi, la volonté de le faire croître.

Alors la question primordiale est la suivante : Comment ne pas ébranler un des piliers de notre société en supprimant le droit systématique à l’héritage ?

Le législateur pourrait déjà supprimer les dispositions du Code Civil qui datent de 1804 et qui obligent les parents à réserver une grande partie de leurs biens à leurs héritiers : la moitié pour un enfant, les 2/3 pour deux et les ¾ pour trois et plus, ce qui n’est pas le cas par exemple aux Etats Unis. La libre disposition de leurs biens chez eux leur permet de développer des actions caritatives et créer des fondations dont nous reparlerons plus tard. Mais il ne peut pas aller plus loin et d’ailleurs, ce n’est pas souhaitable.

L’Honnête homme ne peut pas refuser un héritage au prétexte qu’il ne l’a pas mérité. Il va de soi qu’il ne va pas non plus le gaspiller, mais pour le mériter vraiment, il s’obligera à en faire un bon usage.
C’est ce que nous verrons dans les prochains chapitres.
 
*Fils à papa pistonné pour obtenir un poste comme l’étaient des membres de la famille de certains papes.
**« Hériter sans se déchirer » de Ginette LESPINE aux éditions Albin MICHEL

dimanche 2 février 2020

L'Honnête homme et l'argent, suite



Nous avons examiné précédemment la source principale de l’argent qu’on reçoit dans son existence qui est la rémunération de son travail, mais il y a, pour certains d’entre nous, d’autres sources qui sont le rendement de son capital et les éventuels héritages.

Le rendement de son capital

Parts et actions de société
Il se présente sous deux formes 1/ des dividendes d’actions de société et qui peuvent être un complément de salaire pour certains patrons 2/ des plus-values dégagées lors de la cession de ses dernières.

Dividendes et plus-values* des actions de son entreprise.
L’Honnête homme privilégiera toujours les dividendes à un salaire trop élevé car les premiers ne mettent pas en danger l’avenir de l’entreprise comme le second. Et même par précaution, le plus souvent, il ne se versera pas de dividendes pour ne pas priver sa société de la trésorerie indispensable en cas de difficultés pouvant intervenir et il se réservera la perception d’éventuelles plus-values s’il un jour il décide de la vendre. On a connu des patrons qui se versaient des salaires élevés et qui devant des difficultés, le plus souvent conjoncturelles, rencontrées par leur entreprise déposaient leur bilan.

Dividendes et plus-values* d’autres placements
L’Honnête homme préfèrera investir ses économies dans des actions de société plutôt que de les laisser dormir sur des comptes courants ou dans des obligations car il favorisera ainsi le développement des entreprises et de l’économie en général. Il privilégiera dans ses placements en bon père de famille, des sociétés qui développent certaines activités au détriment d’autres en acceptant une moindre rentabilité. Comme des parts de SICAV ou de fonds commun de placement dont une partie des revenus est distribuée à des œuvres caritatives ou dans des ISR, des fonds d’investissement socialement responsables qui excluent des entreprises qui font commerce de l’alcool, du tabac, de l’armement, des jeux de hasard et des expérimentations sur les animaux pour leur préférer des entreprises soucieuses de l’environnement qui s’occupent du traitement de l’eau ou d’énergies alternatives.

Loyers et plus- values* foncières
Nous ne citerons que pour mémoire les loyers. Un exemple presque caricatural de la plus-value foncière imméritée est celui de la plus-value générée par le changement du classement administratif d’un terrain. L’Honnête homme qui en bénéficie ne va pas refuser cette manne tombée du ciel, mais il devra en tenir compte dans l’usage de l’argent qu’il en fera et dont nous parlerons dans la deuxième partie qui lui est consacré.

Au début de 2007 le ministre chargé du logement, Jean Yves BORLOO prévoyait un partage de la plus-value entre la Commune et l’heureux propriétaire du terrain, ce qui aurait été, si son projet était arrivé à son terme, une mesure de justice élémentaire. A contrario, la Commune aurait dédommager un propriétaire malchanceux d’un terrain que l’Administration avait décidé d’exproprier pour y faire passer une voie publique. 

Hormis le cas que nous venons de voir, les plus-values foncières sur des terrains constructibles sont rarement méritées, à l’exception de celles que peuvent réaliser ceux qui d’un sol ingrat en tire une terre nourricière, comme les colons d’Algérie dont parle Albert CAMUS dans Le premier homme ou les israéliens faisant reverdir le désert du Néguev. Il s’agit simplement d’une rémunération différée d’un travail acharné et de longue haleine. La rémunération dont profite le plus souvent ses héritiers qui ne l’ont pas mérité.
La terre n’est pas extensible, à part quelques hectares gagnés sur la mer comme les polders hollandais ou quelques ares à Monaco, tandis que la population augmente régulièrement et que le pouvoir d’achat des candidats acquéreurs augmente aussi, sans parler des taux d’intérêt des emprunts proches de 0 , ce qui entraîne automatiquement  une hausse des prix continue dans toutes les régions habitables. 
Les propriétaires de terrains constructibles s’enrichissent donc sans aucun effort et sans aucun risque.
 Si l’Honnête homme se trouve parmi eux, il en tiendra compte dans l’usage de l’argent qu’il en retirera le jour de la vente.

Loyers et Plus-values* immobilières
Nous citerons là aussi pour mémoire, les loyers. Contrairement aux propriétaires fonciers, les propriétaires de biens immobiliers ne réalisent pas systématiquement une plus-value quand ils les vendent. Ils ont donc pris un risque comme les actionnaires d’une société et pour cela ils méritent les gains qu’ils peuvent réaliser.
Cependant, dans un certain nombre de cas, nous pouvons nous demander s’  ils ne gagnent pas à tous les coups. Quand ils achètent et vendent un appartement dans une grande ville ou dans une station balnéaire. Pratiquement aucun. Les acheteurs fortunés sont de plus en nombreux y compris les étrangers et les terrains à construire disponibles de plus en plus rares.

Les plus-values, fruits de spéculations diverses
L’Honnête homme ne se livre pas à de quelconques spéculations qui je le rappelle consistent à acheter ou vendre à découvert dans l’espoir de faire Un bénéfice important et rapide, un actif particulièrement fluctuant : le pétrole, l’or, les monnaies, les matières premières.

De toutes les plus-values que nous venons d’examiner, seules celles sur les actions de société sont vraiment méritées à cause du risque réel que leurs propriétaires prennent. Surtout celles à long terme qui ne sont pas le résultat d’un jeu purement spéculatif, sans aucun intérêt pour la société concernée et la société en général, mais d’un soutien et d’une confiance accordée à des entreprises dont ils assurent le développement.

Nous examinerons dans le prochain et dernier chapitre sur les sources de revenus, les héritages qui ne concernent pas cette fois uniquement les gens riches, et nous verrons comment doit alors se comporter l’Honnête homme.

·       Toujours corrigée de l’inflation, bien entendu.