jeudi 31 décembre 2020

L'Honnête homme et les autres. Deuxième partie

 

Etre attentif

«Etre attentif à quelqu’un, c’est le compliment le plus sincère qu’on puisse lui faire » a dit l’écrivain Walter ANDERSON.

La pire attitude est l’indifférence.  L’Honnête homme ne doit pas ignorer ses semblables, quels que soient leurs statuts par rapport au sien et les considérer comme des êtres inférieurs. Dans mon essai, Mérites tu vraiment ton salaire ?, je citais une des premières  leçons que Franck RIBOUD, l’ancien PDG de Danone, avait reçu de son père Antoine  :  Comme il se trouvait avec lui en voiture  bloqués dans une rue  par un camion de la voierie et qu’il exprimait sa contrariété et s’impatientait, il lui avait conseillé de se calmer, de faire comme lui, de regarder le travail des éboueurs qui s’activaient  devant eux à vider les poubelles et il lui avait dit : Tu vois, je ne serais pas capable de faire ce qu’ils font.

Ne jamais oublier que les gens ont besoin de reconnaissance - le thymos chez Platon, la troisième composante de l’âme humaine avec la raison et le désir - ils ont soif de considération. Cette considération découle tout simplement du respect qu’on leur porte et de l’intérêt qu’on manifeste pour leur travail. 

L’Honnête homme doit toujours se garder de l’esprit de caste, par exemple à l’hôpital : s’il est médecin vis-à-vis des infirmières, s’il est une d’elle vis-à-vis des aides- soignantes et s’il est une de ces dernières, vis-à-vis des femmes de service. Dans tous les milieux socio-professionnels, existent des castes. 

Encore moins les mépriser. Ce qui n’est pas toujours aisé, je l’avoue, devant le comportement de certaines personnes car comme disait CHATEAUBRIAND : « Il y a des temps où l’on ne doit dépenser le mépris qu’avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux »   Ce qui ne l’empêche pas de juger avec la plus grande sévérité leurs actes ou leurs propos.

L’Honnête homme se refusera pour leur plaire de flatter certaines personnes afin d’attirer leurs faveurs. Je pense à des hommes et femmes politiques qui ne disent pas ce qu’ils devraient dire, mais ce que leurs électeurs attendent qu’ils disent.

Ne pas leur cacher la vérité

L’Honnête homme ne doit pas mentir, bien entendu, sauf dans de rares exceptions, pour le bien d’une personne ou parce qu’elle le souhaite, qu’elle ne veut pas connaître la vérité. Certaines personnes se mentent à elles-mêmes et il ne faut pas vouloir à tous prix les contredire. Un de mes clients chirurgiens, le jour où il fut atteint d’un cancer, lui qui en avait tant soigné chez ses malades, nia jusqu’à la fin en avoir un.

L’Honnête homme doit, il va s’en dire, mais c’est encore mieux en le disant, bannir dans ses paroles écrites ou verbales et dans ses actes la post vérité et bien entendu adhérer à la théorie des complots que j’ai développée dans mon Blog Pourquoi les gens dotés, voire doués de raison croient aux thèses complotistes.  

Reconnaître qu’il ne sait pas

« Je ne sais pas » est une réponse que l’on entend ou que l’on lit très rarement. Beaucoup trop rarement. Les gens, soit, ne veulent pas ou n’osent pas avouer leur ignorance par peur de perdre la face, soit, et cela est beaucoup plus grave, ils croient savoir, ils croient détenir la vérité, avoir la science infuse sur un très grand nombre de sujets.

Seuls les plus savants d’entre nous dans leur domaine de connaissance avouent qu’ils ne savent pas toujours répondre à une interrogation donnée. Il s’agit tout simplement d’une question d’honnêteté intellectuelle. Je crois que c’est Einstein qui a dit avec justesse : « Plus on sait, plus on sait que l’on ne sait pas »  

Ce phénomène s’est aujourd’hui fortement aggravé avec le développement de la communication et des médias.  Ces derniers entretiennent cette illusion de tout savoir en interrogeant leurs lecteurs, auditeurs et téléspectateurs sur des questions pour lesquels ils n’ont aucune compétence. Ils invitent même sur leur plateau ou dans leur studio des personnalités qui se sentent obligés de donner leur avis sur des sujets qu’ils ne maîtrisent pas. Depuis le début de la crise sanitaire au printemps ces derniers ont été omniprésents.

Etre irréprochable

L’Honnête homme doit se montrer irréprochable aux yeux de tous, d’autant plus, s’il exerce des responsabilités, et même quand il le faut dans certaines occasions, exemplaire. Dans ses actes, mais aussi dans ses propos verbaux ou écrits où il doit faire preuve de prudence, de sagesse et parfois de circonspection, ne craignant pas d’avouer dans certains cas son ignorance.

Et même dans sa tenue vestimentaire, ce qui peut paraître anecdotique, mais il n’en est rien car on ne doit pas infliger aux autres la vue d’une tenue négligée. Il y a suffisamment de choses laides en ce bas monde pour ne pas être obligé de supporter des hommes et des femmes qui se laissent aller.

Je ne sais pas qui a dit : « L’élégance chez la femme est une forme raffinée de la politesse ». Je rappelle une fois de plus que l’Honnête homme est aussi bien une femme qu’un homme.

L’Honnête homme prendra soin de ne jamais humilier même involontairement quelqu’un. Une anecdote. Je descendais la rue de la République à Lyon avec un camarade quand nous rencontrons un de nos condisciples qui vendait le journal Le Progrès. Mon camarade le lui achète et après avoir rapidement parcouru les titres le lui rend. Inconsciemment, il venait de lui faire l’aumône.

Il prendra soin aussi de ne jamais se moquer de quelqu’un, et plutôt préférera se moquer de lui-même cultivant ainsi un humour bienfaisant qui affiche notre supériorité sur ce qui nous arrive. Il tâchera de se montrer sympathique et même avenant, surtout quand sa nature ne le prédispose pas.

Etre généreux

L’Honnête homme doit faire profiter les autres de son argent.

-Donner de l’argent rend plus heureux que le conserver pour soi, des études l’ont démontré confirmant involontairement les paroles du Christ : Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. Et là une fois de plus, comme je l’ai constaté souvent, le vice rejoint la vertu. Nous l’avons vu dans le chapitre sur l’Honnête homme et l’argent.

Donner à quelqu’un que l’on a obligé la possibilité de s’acquitter de sa dette. En effet : « Les bienfaits ne sont agréables que tant que l’on peut s’en acquitter ». dit TACITE à travers MONTAIGNE et cité par André GIDE dans les faux monnayeurs. Cette dette peut être contractée par un ami à qui on a rendu service, à un enfant qu’on a particulièrement aidé.

Comme je n’avais annoncé, je veux traiter à part, les relations de l’Honnête homme avec les hommes et femmes des pays pauvres et plus particulièrement de l’Afrique francophone.

L’un des défis majeurs auquel il est confronté est la surpopulation et la poussée de l’émigration avec en corollaire la montée des populismes et des risques de graves conflits.

Pour relever ce défi il doit aider les habitants de ces pays pour qu’ils puissent rester chez eux, y travailler et ne pas être tentés d’émigrer en France ou dans un autre pays européen. Son aide doit prendre la forme d’une coopération intelligente en tenant des conseils d’Esther DUFLOT, notre récente prix Nobel : Il faut arrêter de penser à la pauvreté comme un grand problème avec de grandes solutions, donner de l’argent ou adopter un enfant par exemple. Les pauvres sont fragiles et refuseront une aide si celle-ci leur demande trop d’efforts. Nous occidentaux pensons trop souvent que les pauvres, qui plus est de culture différente devraient fonctionner comme nous, ce qui explique bien des échecs.

Les associations sont nombreuses en France et elles ne refusent jamais l’aide de personnes qui veulent s’investir dans la coopération, qui plus est si elles peuvent apporter leurs compétences. L’Honnête homme ne se contente pas d’adresser chaque année un chèque à une association humanitaire.

Je souhaite à tous une bonne année 2021, certainement meilleure que l’année qui se termine et j’en profite pour vous remercier de votre fidélité.

 

 

vendredi 25 décembre 2020

L'Honnête homme et les autres. Première partie

 

Nous examinerons ce que l’Honnête homme du 21ème siècle doit apporter aux autres, aussi bien dans ses relations de travail que dans ses relations familiales et sociales et comment il doit se comporter avec eux.

Ce qu’il doit leur apporter

1/Leur faire profiter de ses compétences et de ses talents, s’il en possède.

Dans le chapitre sur l’Honnête homme et le travail, j’ai cité Laurent TERZIEFF qui nous conseillait de se regarder dans une glace et de se poser la question de savoir si on avait un don et ce qu’on pouvait apporter aux autres.

L’Honnête homme à la retraite.

A-t-on le droit de laisser dépérir ses compétences, le jour où l’on a décidé de prendre sa retraite professionnelle ou l’on en a été obligé, et priver ainsi la Société de ce qu’elles peuvent encore lui apporter.  Comment doit agir l’Honnête homme dont les compétences ne sont pas obsolètes, bien entendu, ce qui est le plus souvent le cas tout au moins dans les premières années de sa cessation d’activité. 

Les artistes et les intellectuels ont l’insigne avantage de ne pas se poser la question. Ils travaillent généralement jusqu’à leurs derniers jours. J’avais beaucoup aimé la réponse du célèbre historien Marc FUMAROLI, âgé de 88 ans, décédé récemment, qui dans une interview confessait qu’il souffrait beaucoup, mais qu’il avait encore deux ouvrages à terminer avant de se reposer définitivement.

Pour les autres, la réponse est moins évidente. Chacun doit rechercher comment faire bénéficier ses compétences à ceux qui en ont le plus besoin en dehors de l’entreprise où il ne peut plus les exercer. Par exemple, les apporter à des associations d’aide à la création ou à la reprise d’entreprises qui font appel à des anciens cadres à la retraite.

Nous pouvons penser aussi à enseigner, à témoigner de notre expérience de bien des manières. Je tiens à préciser que je ne m’adresse pas uniquement à des cadres.  Un ouvrier, un artisan, un agriculteur sont aussi bien concernés et même davantage car ils ont parfois beaucoup plus à transmettre qu’un juriste ou un comptable.

 

2/ Leur être utile

Les aider à découvrir leurs talents qu’ils ignorent parfois et leur permettre de les développer.

Nous devons en conscience nous poser la question, aussi longtemps que nous sommes en activité, de notre véritable utilité au service des autres et de la Collectivité et même quand nous sommes en retraite, comme nous l’avons vu.

L’Honnête homme tâchera d’améliorer son utilité au service des autres, s’il est, par exemple, simple employé dans l’Administration, en développant des activités bénévoles qui sont innombrables, de l’aide aux personnes âgées et handicapées à celle aux chômeurs en passant par l’assistance aux populations des pays en voie de développement. Je développerai ce dernier point, aujourd’hui très important, ultérieurement.

L’Honnête homme privilégiera toujours les activités où il peut utiliser ses compétences, par exemple, un chef du personnel assistera des demandeurs d’emploi, ou un publicitaire leur apprendra à se vendre. Ce qui ne leur interdira pas à l’un et à l’autre de distribuer des repas aux Restos du Cœur le jour de Noël…s’ils n’ont pas de fête de famille ce jour-là.

3/ Leur faire profiter de son savoir,

Il faut accepter impérativement de partager son savoir.

Dans la famille, cela peut paraître évident. Faut-il encore que deux conditions soient réunies. La première est que l’Honnête homme, père ou mère, y consacre suffisamment de temps. La deuxième est que les enfants essentiellement, mais aussi parfois le ou la conjointe y soit réceptifs. Ce qui n’est pas toujours le cas.

Dans l’entreprise, c’est parfois difficile car pour certains cadres, le savoir, c’est le pouvoir, et il ne faut donc pas le partager. En tant que patron d’une société de conseil, j’ai eu de nombreuses difficultés à faire circuler l’information entre mes collaborateurs ingénieurs. Les plus réticents étaient les moins sûrs d’eux qui craignaient de perdre leur poste et/ou leur prestige aux yeux des collègues et du patron, voire auprès de nos clients.

4/ Les former

Sur le lieu de travail. Les stagiaires ou les personnes en formation en alternance. Il faut davantage penser à ce que nous pouvons leur apporter plutôt que ce qu’ils peuvent apporter à l’entreprise. Cela est vrai aussi pour les apprentis. Il n’est pas donné à tout le monde d’aimer former les autres et d’avoir les qualités pédagogiques pour cela. Mais l’Honnête homme, lui, se fera un devoir de former toute personne dont il a moralement la charge, qu’il soit un simple stagiaire ou un jeune collaborateur Il acceptera même de prendre le risque, dans certains cas, que son élève dépasse un jour le maître.

Comment il doit se comporter avec eux.

Dans les 3 chapitres qui leur étaient consacrés, j’ai déjà parlé des relations de l’Honnête homme :  Avec ses enfants quand il était chef de famille, avec ses élèves quand il était professeur, avec ses collaborateurs quand il était chef d’entreprise, mais aussi ses fournisseurs, avec ses patients quand il était médecin, avec ses lecteurs ou auditeurs quand il était journaliste, enfin ses clients quand il était conseil et ses électeurs quand il était Responsable politique.

Dans ses relations avec les autres d’une manière plus générale, l’Honnête homme doit se montrer sévère, même s’il doit forcer sa nature, mais avec bienveillance. Il doit être attentif, ne pas leur cacher la vérité, sauf dans des cas très précis. Etre irréprochable et même si possible exemplaire.  Il doit enfin être généreux avec eux chaque fois qu’il le peut.

Sévère et bienveillant

Nous pouvons prendre comme exemple en cet automne 2020, le port du masque, le respect des gestes barrières et la vaccination contre le virus. L’Honnête homme doit désavouer tous ceux qui s’affranchissent de ces précautions mettant leur vie et surtout celle des autres en danger ainsi que ceux qui minimisent l’épidémie quand ils ne la nient pas tout simplement.

Il doit être même intransigeant vis-à-vis de ceux qui fraudent, qui trichent, qui mentent. Cela fait beaucoup de monde… mais il ne doit pas être un instant leur complice involontaire en se taisant. Toute complaisance à leur égard est coupable. Nul doute que la passivité de ses concitoyens, les uns par je-m’en-foutisme, les autres se reposant entièrement sur l’action des Pouvoirs Publics, Police et Justice, encouragent de fait les malfaisants.

Dans un de mes Blogs intitulé « Autorité, je chéris ton nom » je plaidais pour l’exercice sans jamais faiblir de cette dernière. Mais attention !  Je précisais qu’elle devait être   accompagnée de bienveillance.

Une scène du film « Les Arnaud » illustre parfaitement, à mes yeux, la conception que nous devrions avoir de l’autorité.  BOURVIL est un juge pour enfant qui a pris sous sa protection presque filiale un étudiant interprété par Salvatore ADAMO. Celui-ci commet un crime. BOURVIL le convoque dans son bureau. Une fois devant lui, sans lui faire le moindre reproche, sans proférer le moindre mot, il le gifle puis il l’embrasse. Plus tard il l’adoptera pour l’aider à surmonter ses années de prison, juste punition de son forfait.

Dans un des 3 chapitres que j’ai consacré à L’Honnête homme Professeur, j’ai   raconté combien j’avais été profondément choqué de voir au lycée les meilleurs professeurs chahutés par des groupes d’élèves qui s’amusaient à perturber leurs cours, sous les yeux des autres élèves dont je faisais partie qui, lâchement, les laissaient faire, ce dont j’avais encore honte aujourd'hui.

Si comme Paul ELUARD nous devons chérir la liberté, il nous faut aussi, pour en jouir pleinement, chérir l’autorité, une autorité avec bienveillance.

Je cite à l’appui le grand romancier Stefan SWEIG : "Cet antagonisme entre la liberté et l’autorité, toutes les époques, tous les peuples, tous les penseurs l’ont connu. Car la liberté est impossible sans une certaine autorité, sous peine de dégénérer en chaos"

Dans la deuxième partie, nous verrons les autres aspects du comportement que doit avoir l’Honnête homme avec les autres.