lundi 30 décembre 2019

L'Honnête homme et le travail



 CHAPITRE 3

Nous avons vu que l’Honnête homme devait :
        -        Exercer son activité dans une entreprise, quelle qu’elle soit, utile économiquement et si possible socialement,
-        Exploiter ses talents pour être, certes, le plus performant possible au service des autres, mais aussi pour sa propre satisfaction.

L’Honnête homme doit aussi exercer ses compétences et les développer dans son domaine d’activité. Pour cela, il n’hésitera pas à changer d’entreprise si cela est nécessaire et s’il en a la possibilité.
Il n’a, en effet, pas le droit de gaspiller ses compétences qui sont le fruit d’un savoir de base et d’une expérience acquise. Pourquoi ?

Son savoir
Son savoir, il l’a acquis auprès de ses parents et surtout auprès de ses professeurs, et cela grâce au budget de la Nation qui a été consacré à rémunérer ces derniers.
Il est hautement regrettable de voir, par exemple, une jeune femme qui a fait des études supérieures ne pas travailler une fois mariée. Il est vrai que cela est de moins en moins fréquent et c’est heureux. Mais il y a encore beaucoup trop souvent des erreurs d’orientation après le baccalauréat commis par ce qu’on appelle les « copsy », les conseils d’orientation professionnelle. Ceux-ci privilégiant le projet de l’élève, quand il en a un, sans s’assurer des possibles débouchés et ce qui a pour conséquence de surcharger inutilement et coûteusement les bancs de l’Université.
  
Son expérience
Il en est de même de l’expérience acquise dans les entreprises. Elle l’a été grâce souvent à l’assistance des maîtres de stage, des formateurs et aux entreprises qui ont financé ces derniers.

La formation continue
Pour conserver ses compétences et même les développer, tout au long de son parcours professionnel, il lui faut, et cela est de plus en plus vrai aujourd’hui et le sera encore davantage à l’avenir, continuer à se former. Ce qui peut empiéter sur ses loisirs et sa vie de famille et être même très contraignant pour ceux qui n’aiment pas apprendre ou n’en ont plus envie. Nous ne sommes pas égaux dans ce domaine comme dans bien d’autres et le mérite est d’autant plus grand pour ceux qui sont génétiquement et/ou socialement désavantagés.

Je voudrais ouvrir une parenthèse sur la notion de mérite. Les anglais ont la chance d’avoir à leur disposition deux termes : le déserts et le mérit. Le premier est la mesure objective de la performance réalisée, le second est l’effort produit pour atteindre l’objectif, indépendamment du fait que celui-ci soit ou non réalisé. Nous devons donc apprécier l’Honnête homme à l’aune de son « mérit » plus qu’à celui de son « déserts ».

Le travail et la retraite
A-t-on le droit de laisser dépérir ses compétences, le jour où on a décidé de prendre sa retraite et priver ainsi la Société de ce qu’elles peuvent encore lui apporter.  Comment doit agir l’Honnête homme dont les compétences sont bien entendu encore utiles ?
Les artistes et intellectuels ont l’insigne avantage de ne pas se poser la question. Ils travaillent généralement jusqu’à leurs derniers jours. J’ai beaucoup aimé la réponse du célèbre historien Marc FUMAROLI, âgé de 88 ans, qui dans une interview confesse qu’il souffre beaucoup, surtout la nuit, mais qu’il a encore deux ouvrages à sortir avant de se reposer définitivement.
Pour les autres, la réponse est moins évidente. Chacun doit rechercher comment faire bénéficier ses compétences à ceux qui en ont besoin en dehors de l’entreprise où il ne peut plus les exercer. Par exemple, les apporter à des associations d’aide à la création ou à la reprise d’entreprises qui font appel à des anciens cadres à la retraite.
Nous pouvons penser aussi à enseigner, à témoigner de son expérience par bien des manières. Je tiens à préciser que je ne m’adresse pas uniquement à des cadres.  Un ouvrier, un artisan, un agriculteur sont aussi bien concernés et même davantage car ils ont parfois beaucoup plus à transmettre qu’un juriste ou un comptable.

En conclusion de cette première partie consacrée à l’Honnête homme et le Travail, je voudrais dire que :

-La plus grande satisfaction au travail n’est pas l’obtention d’un résultat, mais le travail qui a été nécessaire pour l’atteindre. En d’autres termes, ce qui compte ce n’est pas le but, mais le chemin.
-L’expérience optimale se produit dans la grande majorité des cas quand une activité est dirigée vers un but, une activité qui représente une certaine difficulté et exige des aptitudes appropriées, un contrôle sur ses actions ainsi qu’une concentration intense, accompagnée d’une perception altérée du temps.*

Cependant cette satisfaction est loin d’être partagée par la majorité de nos concitoyens qui aspire à une retraite le plus tôt possible et s’oppose à toute réforme les obligeant à travailler plus longtemps, malgré l’allongement de la durée d’espérance de vie. C’est alors qu’intervient l’Honnête homme dans sa relation avec les Autres dont nous parlerons dans une partie exclusivement consacrée à ce thème.  

Nous verrons que selon la profession qu’il exerce et les responsabilités qui sont les siennes, l’Honnête homme doit marquer sa différence avec l’homme ordinaire. Nous examinerons successivement le cas des chefs d’entreprise, des hommes et femmes d’influence que sont les hommes et femmes politiques, des journalistes, des responsables syndicaux, des leaders d’opinion que sont les intellectuels, les économistes et autres experts, des gens célèbrent, enfin les maîtres d’école.

Mais auparavant, dans les prochains chapitres, nous analyserons le rapport parfois complexe et ambigu de l’Honnête homme à l’Argent.

 *Résultats de vingt ans de recherche du psychologue américain Mikaly Csiksentmihaly consignée dans un ouvrage «Vivre, la psychologie du bonheur »


Je souhaite à vous tous qui me faites l’honneur de me lire une bonne année 2020.





 

dimanche 8 décembre 2019

L'Honnête homme et le travail Suite


Préambule

Je tiens à préciser que l’Honnête homme n’est pas un saint paré de toutes les vertus, heureusement d’ailleurs, car mon propos n’aurait aucune raison d’être.
Ce qui distingue L’Honnête homme de l’homme ordinaire, c’est qu’il a tout à fait conscience qu’il est imparfait et qu’il doit s’efforcer de devenir meilleur.  

Nous retrouverons cette volonté d’être meilleur   dans les rapports qu’il entretient avec l’argent, avec les autres, avec sa famille, avec la Collectivité et avec l’Environnement.

Exemple :  Un consultant est âgé d’une cinquantaine d’année.  Son activité consiste à établir des audits d’organisation dont les recommandations ne sont jamais ou presque suivies par ceux qui les lui ont commandés. Il y a ainsi dans les Ministères des rayons entiers de rapports souvent fouillés et très documentés, inutiles parce qu’inexploités. Il accepte cependant de continuer, pour conserver son train de vie confortable pour lui et sa famille, sans parler de son rang dans la société et parce qu’il se sent trop âgé pour une éventuelle reconversion.
Mais comme il veut être un Honnête homme, il décidera de compléter son activité principale par une activité bénévole assurée les soirs et/ou les week-ends, qu’il poursuivra en l’intensifiant quand il sera en retraite.

Les activités bénévoles sont innombrables, de l’aide aux personnes âgées et handicapées à celle aux chômeurs en passant par l’assistance aux populations des pays dits en voie de développement.
L’Honnête homme privilégiera toujours les activités où il peut utiliser ses compétences, par exemple, un chef du personnel assistera des demandeurs d’emploi, ou un publicitaire leur apprendra à se vendre. Ce qui ne leur interdira pas de distribuer des repas aux Restos du Cœur le jour de Noël…s’ils n’ont pas de fête de famille ce jour-là.

Venons-en à la réalisation de soi.

Se réaliser, c’est s’accomplir en tant qu’individu, s’épanouir et devenir ce que l’on a toujours rêvé d’être.
C’est, certes dans un but purement égoïste que l’on veut se réaliser pleinement, mais c’est aussi un bienfait :
-Pour son entourage familial et professionnel, c’est tellement agréable de fréquenter quelqu’un de bien dans sa peau.
-Pour l’entreprise (publique, privée ou Administration) dans laquelle on travaille et qui bénéficie de notre efficience. 
La réalisation de soi suppose deux conditions essentielles pour qu’elle soit réussie : l’exploitation et la mise en valeur de ses talents, l’acquisition et le développement des compétences.

L’exploitation et la mise en valeur de ses talents

La parabole des talents
Nous retrouvons le thème à deux endroits dans la Bible, chez les apôtres Mathieu 25 et Luc 19. Jésus y relate l’histoire d’un homme qui avant de partir en voyage convoqua ses serviteurs et leu confia ses biens. Le premier reçut 5 talents, le second 2 et le troisième 1, chacun selon ses capacités et avec l’ordre de les faire fructifier. Quand il revint, il demanda des comptes à chacun de ses serviteurs. Le premier oui remit 10 talents, le second en rendit 4 et le troisième, par peur de mal faire, s’était contenté d’enterrer son unique talent. Le maître félicita les deux premiers tandis qu’il réprimanda durement le troisième et le chassa de sa maison.
Il faut entendre par « talent » non seulement de l’argent, Luc parle de « mines », nom de la monnaie grecque de l’époque et ancienne monnaie hébraïque, mais aussi des aptitudes particulières dans une activité.
Il faut retenir de la leçon du Christ ceci. Ce n’est pas en enterrant nos ressources, nos dons, nos talents et les moyens dont nous disposons que nous pourrons améliorer notre condition et celles de nos semblables mais bien en les développant et en les faisant fructifier. Certes nous ne disposons pas tous des mêmes talents à notre naissance, les serviteurs, eux aussi, n’ont pas le même nombre et pourtant le maître loue autant celui qui en a 4 que celui qui en a 10. Par contre il est très sévère avec celui qui par peur, par lâcheté, par paresse laisse son talent inexploité. Il faut bien comprendre que c’est une véritable révolution qu’apporte cette parabole.
 La valeur morale d’un être ne dépend pas des dons naturels qu’il a reçu à sa naissance, mais de ce qu’il en a fait.

On peut faire le même raisonnement pur les biens matériels, mais cela fera l’objet d’un chapitre ultérieur consacré à la relation de l’Honnête homme à l’argent.

Le regretté Laurent TERZIEFF, à un journaliste qui lui demandait si le théâtre était pour lui une vocation ou une passion avait répondu :
« Je n’aime pas l’idée de passion ou de vocation. Je crois simplement qu’il faut se regarder dans la glace et se demander :
 Est-ce que j’ai un don ? Que puis-je apporter aux autres ?

Pour éviter de gaspiller ses propres talents, il faut encore les connaître, être sûrs de leur valeur et savoir les développer.
Normalement, c’est à l’école et à sa famille de les lui révéler, au temps du service obligatoire, ce pouvait être l’armée, et de l’encourager, voire aider à les développer. L’entreprise peut dans certains cas y contribuer.  Comme disait Alphonse Allais :
 « Il ne suffit pas d’avoir du talent, il faut encore savoir s’en servir ».

Nous verrons dans le prochain article toujours consacré à l'Honnête homme et le travail  :
L’acquisition et le développement des compétences
     

dimanche 17 novembre 2019

L'Honnête homme et le travail


CHAPITRE 1

Nous retiendrons la définition du travail par le dictionnaire Robert : activité humaine organisée et coordonnée en vue de produire ce qui est utile. Ce qui fait dire au philosophe ALAIN : le travail utile est par lui-même un plaisir et à Albert CAMUS : il n’est pas de punition plus terrible que le travail inutile et sans espoir.  

Pour tout homme, le travail est indispensable pour percevoir des revenus nécessaires à la couverture de ses besoins et pour occuper son temps, car comme l’a écrit BAUDELAIRE, : A chaque minute nous sommes écrasés par l’idée du temps et pour échapper à ce cauchemar il n’y a que le plaisir et le travail, mais le premier nous use alors que le second nous fortifie.  

Pour l’Honnête homme, il lui nécessaire aussi de :
-Se réaliser pleinement, et pour faire savoir aux autres ce que nous sommes à travers ce que nous faisons, dit Samuel ROUVILLOIS, frère de la Communauté Saint Jean qui ajoute : On ne devient pas humain sans passer par l’expérience personnelle du travail.
-D’avoir un travail utile économiquement et si possible socialement.
-Enfin, que l’activité de l’ entreprise dont il fait partie  soit conforme à ses exigences morales.

Activités utiles économiquement

Nous passerons rapidement sur toutes les activités qui ne sont d’aucune utilité comme celle d’intermédiaires parasites de la société dans lesquelles l’Honnête homme ne saurait se fourvoyer pas plus qu’il ne saurait, cela va de soi, être un prébendier ou bénéficier de sinécures. Par contre nous devons nous arrêter un instant sur celles dont l’utilité est en partie ou totalement discutable et celles dont l’efficacité est insuffisante.
Activités dont l’utilité est en partie ou totalement discutable.
Nous prendrons deux exemples dans le domaine de la Santé, mon domaine de prédilection, et un dans celui de la Recherche. Deux domaines choisis volontairement parce qu’on peut raisonnablement penser que leur intérêt économique et social va de soi.
-Domaine de la Santé
La fabrication et de la vente de produits aux vertus soi-disant thérapeutiques dont l’action est inefficace et la réalisation d’actes médicaux et paramédicaux inutiles qui peuvent ne pas être sans risques pour les malades et obèrent le budget de la Sécurité Sociale. Les actes inutiles à l’hôpital pourraient s’élever jusqu’à 30% selon certains experts.
-Domaine de la Recherche.
Des études réalisées par des enseignants chercheurs financées par l’Etat et qui ne font pas sérieusement progresser nos connaissances comme celle qui conclut doctement que le sourire d’une femme invite au contact : il suscite 7.02 regards en moyenne alors qu’un visage fermé ne provoque que 2.01 coups d’œil. Autre découverte du même chercheur : les hommes prendront d’autant plus une autostoppeuse que sa poitrine est généreuse…
Activités dont l’efficacité est insuffisante.
Elles sont très nombreuses. Nous ne prendrons que deux exemples.
Celui des mauvaises gestionnaires d’entreprises privées et d’administrations publiques, à commencer par les patrons qui par négligence et/ou incompétence ruinent la leur et parfois celle de leurs fournisseurs, sans parler des salariés restés sur le carreau.
Celui des cadres dans les grandes entreprises, mais aussi des employés dans les Administrations qui ne se sentent pas engagés dans leur travail, sont démotivés et dont l’efficacité évidemment en pâtit. Nous reviendrons sur la réalisation personnelle dans le travail dans un prochain chapitre.

Activités utiles socialement

Pour mesurer l’activité d’un point de vue social, il faut tenir compte de l’impact sur l’environnement selon qu’elle le dégrade ou pas et les effets positifs ou négatifs sur le bien être des individus et de la Collectivité. Ainsi, les personnes chargées de l’entretien et du recyclage des déchets ont une utilité sociale bien supérieure à un cadre de banque ou de publicité. Les premières créent une plus-value 10 fois supérieure à ce qu’ils coutent tandis que les seconds détruisent dix fois ce qu’ils créent. *
Nous voyons apparaître déjà une contradiction possible entre la recherche de la meilleure rémunération possible et l’intérêt économique et sociale de l’activité qui l’assure.
L’Honnête homme privilégiera toujours l’intérêt économique et social, c’est à dire qu’il optera chaque fois qu’il le pourra pour un salaire moins élevé pour un travail plus utile. Ce qui peut exiger beaucoup d’efforts, voire de sacrifices. Pour accepter des revenus moindres, il aura su ne pas augmenter inconsidérément ses besoins. Nous pensons à un ancien candidat à l’élection présidentielle qui s’est fait construire un superbe manoir et qui pour le financer n’a pas hésité à percevoir des sommes indues par l’intermédiaire de son épouse et pour lesquelles il devra rendre bientôt compte devant les tribunaux.   
Comme en préambule, j’ai bien précisé que l’Honnête homme était aussi bien une femme qu’un homme, il est aussi bien employé que cadre supérieur, ouvrier que professeur de Faculté. Un ouvrier, en charge d’une famille, qui effectue des tâches inutiles et sans intérêt dans un service Entretien aux effectifs pléthoriques d’une Collectivité locale devra avoir beaucoup de courage, voire d’inconscience, pour rechercher un autre emploi plus utile à la société, surtout s’il est installé dans une petite agglomération où le chômage est élevé.
Par contre, nombreux sont ceux chez les cadres supérieurs (je recouvre sous ce vocable tous les hommes et femmes ayant fait des études supérieures) qui ont la possibilité de changer d’emploi, voire de métier, quitte à voir leurs revenus diminuer sensiblement. J’ai à l’esprit un couple, le mari cadre dans l’industrie pharmaceutique, l’épouse journaliste qui ont décidé de quitter Paris pour s’installer en Province, lui comme médecin responsable de malades hospitalisés à domicile et souvent en fin de vie, elle comme enseignante dans un collège. Bien entendu, ils ont opté aussi pour une meilleure qualité de vie, celle en Province étant généralement plus agréable que celle dans la Capitale, mais surtout ils ont réalisé ce qu’ils souhaitaient, à savoir être au service des autres, les malades et les enfants.

Activités conformes à ses exigences morales

L’entreprise peut avoir des pratiques délictueuses comme le recours au travail au noir, la fraude en matière fiscale…la liste est longue. 

Chacun d’entre nous doit se poser, au moins une fois dans sa vie, la question : A quoi sert réellement mon travail ? Et si la réponse n’est pas satisfaisante, s’en poser une seconde : Comment puis-je faire pour en changer ?
Mais il devra aussi s’en poser d’autres que nous verrons dans les prochains chapitres.

*Le responsable d’une mission d’évaluation de la NEF, la New Economic Foundation, Eleis Lawlor conclut ainsi son rapport :
Les professions qui créent le plus de bénéfices pour la société devraient être récompensées et si c’était le cas beaucoup plus de personnes s’orienteraient vers elles, ce qui aurait pour conséquence une amélioration très sensible de la qualité de vie, surtout des plus faibles.