mercredi 16 février 2022

L'irresistible attirance pour le monde politico médiatique

 


Dans un article précédent, j’ai parlé de la SIATLI, société internationale pour le développement du tourisme et des loisirs, dont je fus l’éphémère directeur financier. Son fondateur et principal animateur avait beaucoup d’entregent, du charme certain et un aplomb énorme que je n’ai retrouvé qu’une seule fois dans ma carrière – nous avions un projet de Centre de Rééducation à Rovereto dans la province de Trente et son animatrice, après avoir décroché des subventions européennes, n’hésitait pas à déranger chez lui au téléphone le Ministre italien de la Santé – A noter que tous les deux n’avaient pas fait de longues études, ce qui ne les complexait pas du tout, bien au contraire, mais ils étaient dévorés par l’ambition.

Michel Gillibert avait, de surcroît, une relation privilégiée dont il allait beaucoup se servir, celle de Philippe Malaud, directeur du cabinet de Couve De Murville, ministre des Affaires Etrangères. Nous sommes à la fin des années 60.

Il avait installé les bureaux de notre société à Lyon, quai Victor Augagneur, au bord du Rhône, dans un magnifique appartement au parquet classé monument historique, loué gracieusement par son propriétaire qui avait l’ambition de voir sa fille, charmante au demeurant, évoluer dans la haute société parisienne. Les meubles de style avaient été prêtés par un antiquaire de Saône et Loire et les murs tapissés de toiles de maîtres prêtées par un marchand de tableau qui possédait deux galeries, l’une Quai Romain Rolland à Lyon et l’autre Avenue Matignon à Paris, (Il avait notamment sous contrat Pierre Soulages).  Les prêteurs de meubles et de tableaux escomptant gagner en notoriété et développer leurs affaires, bien entendu, grâce aux relations de Gillibert, et nouer des relations de haut niveau, si j’ose dire. Une des filles Rothschild faisait partie de ses relations.

Nous avions un chauffeur avec voiture attitré qui nous conduisait à Paris et à Genève. Je ne me souviens plus qui nous avait prêté la voiture, mais certainement quelqu’un qui espérait, lui aussi quelques bénéfices en retour.

Parmi les actionnaires de la SIATLI, on trouvait notamment l’animateur de la célèbre émission de France Inter, Le Pop Club ; José Artur, qui se présentait ainsi : “Je ne suis pas juif et je ne suis pas homosexuel“. La première fois que j’étais allé chez lui, il m’avait montré sa photo de mariage avec l’actrice Colette Castel et tout en me désignant au premier rang une jeune demoiselle d’honneur, il l’avait appelée par son prénom et elle était tout de suite apparue : c’était sa nouvelle compagne.  Nous avions fait ensemble plusieurs pop club où étaient invitées des vedettes du cinéma et de la télévision. 

Un autre actionnaire avait un studio de photo à Genève où nous nous rendions régulièrement et des jeunes filles attirées par le cinéma venaient faire des bouts d’essai.

Un jour nous avions déjeuné dans un célèbre bouchon lyonnais avec François De Grossouvre qui aura en 1981 son bureau à l’Elysée et souhaitait nous faire profiter de ses relations avec François Mitterand me proposant d’être rémunéré régulièrement pour cela. Nous avions décliné son offre, Philippe Malaud assurant qu’il connaissait bien le patron du parti socialiste et avait voyagé récemment avec lui en venant de Roumanie.  

Parmi les actionnaires, des gens de radio et de télévision connus dont j’ai oublié les noms et quand bien même je m’en souviendrais, je ne dévoilerais pas.

Nous étions reçus, Gillibert, Malaud et moi-même avec tous les honneurs par les banques, comme celle de Paribas, qui nous invitaient à déjeuner dans leur salle à manger privée.

Mais ces mêmes banques n’acceptèrent pas de nous suivre dans notre projet à cause même du concept de drugstore inadapté pour la France et nous dûmes avec Jacques Verrière, le marchand de tableaux, déposer les statuts de la société avant qu’il ne soit trop tard, que l’affaire se transforme en scandale politico-financier comme en avait connu la Vème République. Nous étions les deux seuls lyonnais impliqués dans cette affaire et tenions à notre réputation.

La leçon que j’ai surtout retenue de cette aventure qui aurait pu mal se terminer et dont je ne suis pas très fier : très peu de personnes sont capables de résister à l’attrait des relations de prestige, des fréquentations de la vie mondaine et des rencontres de gens célèbres.