samedi 20 janvier 2024

Reconnaîre publiquement ses erreurs. Un cas concret. Un lecteur me répond

 

Un exemple : celui d’Alain Juppé. Dans ses mémoires titrées « Une histoire française »*, l’auteur reconnaît quand il était premier ministre du gouvernement de Jacques Chirac en 1995 avoir commis deux erreurs dans la mise en œuvre de son plan ambitieux de Sécurité Sociale pour tous.

La première est de ne pas avoir écouté les responsables syndicaux, Marc Blondel de FO et Nicole Notat de la CFDT qui lui conseillaient de ne pas parler de la réforme des retraites et surtout de la suppression des régimes spéciaux lui disant qu’il allait mettre le feu aux poudres et c’est ce qui est arrivé avec la descente dans la rue des agents de la SNCF les plus concernés et la paralysie du pays. A noter qu’il faudra attendre un quart de siècle pour voir ces réformes aboutir.

La deuxième fut de se mettre à dos le corps médical en commettant, sic, une « stupide maladresse » en laissant passer dans son projet la création d’un dispositif permettant l’ajustement des rémunérations des médecins qui ne respectaient pas les objectifs de dépenses de santé prévus par les Caisses de Sécurité Sociale. Ceux-ci s’insurgeant en dénonçant une maîtrise comptable des soins.

Cette reconnaissance est fort utile car elle est instructive, raison d’être principale des reconnaissances publiques, et je ne doute pas que les décideurs actuels et futurs dans notre pays en tirent des enseignements comme celui de ne pas vouloir avoir raison trop tôt, de ne pas sous-estimer certaines professions et surtout de ne pas vouloir en même temps attaquer ses adversaires,  oubliant la leçon de la victoire d’Horace sur les Curiaces.

Un lecteur me répond 

Le Professeur Patrice Queneau** me fait remarquer à juste titre que  la médiatisation de l’interprétation de cette reconnaissance des erreurs fausse tout, suivant qu’on la fait apparaître comme ceci ou comme cela ! c’est à dire l’ombre portée de la désinformation sur la reconnaissance des erreurs : ridiculisée ou au contraire magnifiée au nom des beaux sentiments du parler vrai etc… 

Dans le cas d’Alain Juppé,  le risque est très faible car l’intéressé n’a plus d’ambition politique nationale et donc plus d’adversaires prêts à exploiter la reconnaissance de ses erreurs.

Je pense qu’il faut distinguer deux types d’erreurs. Celles de jugement comme  celles d’Alain Juppé et celles causées par une information erronée, exemple les fausses vertus d’un traitement contre la Covid. Concernant ces dernières, il faut prendre le risque plus limité, à mon avis, d’une médiatisation comme l’a décrite le professeur Queneau car la nécessité de rétablir la confiance des citoyens envers leurs élus est une priorité absolue pour sauvegarder notre démocratie et la  lutte pour la Vérité doit être sans relâche.  

Le mensonge et la vérité  cf Mon Blog du 24 octobre 2023 

La Vérité sortant du bain après avoir été dépouillée par le Mensonge


*Aux éditions Tallandier

Peinture de Jean-Léon Gérôme Ferris.

*Aux éditions Tallandier

**Ancien doyen de l’Université de Médecine de Saint-Etienne, membre de l’ Académie de Médecine< ;