samedi 24 octobre 2020

L'Honnête homme et les autres. Deuxième partie

 

Nous avons vu dans la première partie ce que l’Honnête homme devait apporter aux autres : leur faire profiter de ses compétences et de ses talents quand il en possédait, leur être utile, leur faire profiter de son savoir et les former le cas échéant.

Dans cette deuxième partie nous verrons comment il doit se comporter dans ses relations avec les autres.

Dans des chapitres qui leur étaient consacrés, j’ai déjà parlé des relations de l’Honnête homme :  Avec ses enfants quand il était chef de famille, avec ses élèves quand il était professeur, avec ses collaborateurs quand il était chef d’entreprise, mais aussi ses fournisseurs, avec ses patients quand il était médecin, avec ses lecteurs ou auditeurs quand il était journaliste, enfin ses clients quand il était conseil et ses électeurs quand il était Responsable politique.

Dans ses relations avec les autres d’une manière générale, l’Honnête homme doit se montrer sévère, mais avec bienveillance, attentif, ne pas leur cacher la vérité, sauf dans des cas très précis. Etre irréprochable et même si possible exemplaire.  Il doit enfin être généreux avec eux chaque fois qu’il le peut.

Sévère et bienveillant

Nous pouvons prendre comme exemple en cet automne 2020, le port du masque, le respect des gestes barrières et la vaccination contre la grippe. L’Honnête homme doit désavouer tous ceux qui s’affranchissent de ces précautions mettant leur vie et surtout celle des autres en danger ainsi que ceux qui minimisent l’épidémie quand ils ne la nient pas tout simplement.

Il doit être même intransigeant vis-à-vis de ceux qui fraudent, qui trichent, qui mentent. Cela fait beaucoup de monde… mais il ne doit pas être un instant leur complice involontaire en se taisant.

Dans mon Blog du Samedi 31 janvier 2015 «Autorité, je chéris ton nom » je plaidais  pour l’exercice sans jamais faiblir de cette dernière. Mais attention !  Je précisais qu’elle devait être   accompagnée de bienveillance.

Une scène du film «Les Arnaud»  illustre parfaitement, à mes yeux, la conception que nous devrions avoir de l’autorité.  BOURVIL est un juge pour enfant qui a pris sous sa protection presque filiale un étudiant qu’interprète Salvatore ADAMO. Celui-ci commet un crime. BOURVIL le convoque dans son bureau. Une fois devant lui, sans lui faire le moindre reproche, il le gifle puis il l’embrasse. Plus tard il l’adoptera pour l’aider à surmonter ses années de prison, juste punition de son forfait.

Dans un de mes Blogs sur L’Honnête homme Professeur j’ai  raconté combien j’avais été profondément choqué de voir au lycée les meilleurs professeurs être chahutés par des groupes d’élèves qui s’amusaient à perturber leurs cours, sous les yeux des autres élèves dont je faisais partie qui, lâchement, les laissaient faire, ce dont j’avais encore honte aujourd'hui. Si j’avais été alors un Honnête jeune homme, je n’aurais pas laissé agresser ces profs. Ce qui explique que plus tard, devenu professeur, je n’ai jamais accepté qu’un seul de mes élèves cause la moindre nuisance à mon cours, ne serait-ce que simplement chuchoter avec son voisin.  

Si comme Paul ELUARD nous devons chérir la liberté, il  nous faut aussi, pour en jouir pleinement,  chérir l’autorité, une  autorité avec bienveillance.

Etre attentif

La pire attitude à avoir est l’indifférence.  L’Honnête homme ne doit pas ignorer ses semblables, quel que soit leur statut et les considérer comme des êtres inférieurs. Dans un de mes écrits, Mérites tu vraiment ton salaire ? je citais une des premières  leçons que Franck RIBOUD, l’ancien PDG de Danone, avait reçu de son père Antoine  :  Comme il se trouvait avec lui en voiture  bloqués dans une rue  par un camion de la voierie et qu’il exprimait sa contrariété et s’impatientait, il lui avait conseillé de se calmer, de faire comme lui, de regarder le travail des éboueurs qui s’activaient  devant eux à vider les poubelles et il lui avait dit : Tu vois, je ne serais pas capable de faire ce qu’ils font.

Les gens ont besoin de reconnaissance - le thymos chez Platon, la troisième composante de l’âme humaine avec la raison et le désir - ils ont soif de considération. Cette considération découle tout simplement du respect qu’on porte aux individus et de l’intérêt qu’on manifeste pour leur travail. 

L’Honnête homme doit toujours se garder de l’esprit de caste, par exemple à l’hôpital : s’il est médecin vis-à-vis des infirmières, de celles-ci vis-à-vis des aides- soignantes et ces dernières, vis-à-vis des femmes de service. Dans tous les milieux socio-professionnels, existent des castes. 

Encore moins les mépriser. Ce qui n’est pas toujours aisé, je l’avoue devant le comportement de certains car comme disait CHATEAUBRIAND: « Il y a des temps où l’on ne doit dépenser le mépris qu’avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux »  

Ou encore vouloir leur plaire ou les flatter pour attirer leurs faveurs et je pense aux hommes et femmes politiques. Certains ne disent pas ce qu’ils devraient dire, mais ce que leurs électeurs attendent qu’ils disent.

Ne pas leur cacher la vérité

L’Honnête homme ne doit pas mentir, bien entendu, sauf dans de rares exceptions, pour le bien d’une personne ou parce qu’elle le souhaite, qu’elle ne veut pas connaître la vérité. Certaines personnes se mentent à elles-mêmes et il ne faut pas les contredire. Un de mes clients chirurgiens, le jour où il a été atteint d’un cancer, lui qui en avait tant soigné chez ses malades, a nié jusqu’à la fin en avoir un.

L’Honnête homme doit bannir dans ses pensées et dans ses actes la post vérité et notamment adhérer à la théorie des complots cf Mon Blog du 27 Septembre 2020 : Pourquoi des gens dotés, voire doués de raison croient à la théorie des complots.

Etre irréprochable

L’Honnête homme doit se montrer irréprochable d’autant plus s’il exerce des responsabilités, et même quand il le faut, exemplaire. Dans ses actes, mais aussi dans ses propos verbaux ou écrits où il doit faire preuve de prudence, de sagesse et parfois de circonspection, ne craignant pas d’avouer dans certains cas son ignorance. cf Mon Blog du 6 Septembre 2019. Apprendre à dire : je ne sais pas.

Et même dans sa tenue vestimentaire. On ne doit pas infliger aux autres la vue d’une tenue négligée. Il y a suffisamment de choses laides en ce bas monde.

Je ne sais pas qui a dit : « L’élégance chez la femme est une forme raffinée de la politesse ». Je rappelle une fois de plus que l’Honnête homme est aussi bien une femme qu’un homme.

L’Honnête homme prendra soin de ne jamais humilier même involontairement quelqu’un. Une anecdote. Je descendais la rue de la République à Lyon avec un camarade quand nous rencontrons un de nos condisciples qui vendait le journal Le Progrès. Mon camarade le lui achète et après avoir rapidement parcouru les titres le lui rend. Inconsciemment, il venait de lui faire l’aumône.

Il prendra soin aussi de ne jamais se moquer de quelqu’un, et plutôt préférera se moquer de lui-même cultivant ainsi un humour bienfaisant.  

Etre généreux

L’Honnête homme devait faire profiter les autres de son argent.

-Donner de l’argent rend plus heureux que le conserver pour soi, des études l’ont démontré confirmant involontairement les paroles du Christ : Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. Et là une fois de plus, comme je l’ai constaté souvent, le vice rejoint la vertu.

Donner à quelqu’un que l’on a obligé la possibilité de s’acquitter de sa dette. En effet : « Les bienfaits ne sont agréables que tant que l’on peut s’en acquitter ». TACITE cité par André GIDE dans les faux monnayeurs. Cette dette peut être contractée par un ami à qui on a rendu service, à un enfant qu’on a particulièrement aidé.

Enfin donner de son temps, parfois plus précieux que son argent, mais là je renvoie

samedi 10 octobre 2020

L'Honnête homme et les autres. Premier chapitre

 

Nous examinerons cette fois ce que l’Honnête homme doit apporter aux autres, dans ses relations de travail, ses relations familiales et sociales.

1/Leur faire profiter de ses compétences et de ses talents, s’il en possède.

Dans un de mes Blogs sur l’Honnête homme et le travail, je citais Laurent TERZIEFF. A un journaliste qui lui demandait si le théâtre était pour lui une vocation ou une passion, il avait répondu :

« Je n’aime pas l’idée de passion ou de vocation. Je crois simplement qu’il faut se regarder dans la glace et se demander » 

Est-ce que j’ai un don ? Que puis-je apporter aux autres ?

L’Honnête homme à la retraite.

A-t-on le droit de laisser dépérir ses compétences, le jour où on a décidé de prendre sa retraite professionnelle et priver ainsi la Société de ce qu’elles peuvent encore lui apporter.  Comment doit agir l’Honnête homme dont les compétences sont bien entendu encore utiles, ce qui est le plus souvent le cas ?

Les artistes et les intellectuels ont l’insigne avantage de ne pas se poser la question. Ils travaillent généralement jusqu’à leurs derniers jours. J’avais beaucoup aimé la réponse du célèbre historien Marc FUMAROLI, âgé de 88 ans, décédé récemment, qui dans une interview confessait qu’il souffrait beaucoup, mais qu’il avait encore deux ouvrages à terminer avant de se reposer définitivement.

Pour les autres, la réponse est moins évidente. Chacun doit rechercher comment faire bénéficier ses compétences à ceux qui en ont besoin en dehors de l’entreprise où il ne peut plus les exercer. Par exemple, les apporter à des associations d’aide à la création ou à la reprise d’entreprises qui font appel à des anciens cadres à la retraite.

Nous pouvons penser aussi à enseigner, à témoigner de son expérience par bien des manières. Je tiens à préciser que je ne m’adresse pas uniquement à des cadres.  Un ouvrier, un artisan, un agriculteur sont aussi bien concernés et même davantage car ils ont parfois beaucoup plus à transmettre qu’un juriste ou un comptable.

2/ Leur être utiles

Dans mon Blog du 13 Décembre 2014, Sommes-nous vraiment utiles aux autres, je citais une étude de la NEF, la New Economic Foundation qui, grâce à une méthode qu’elle avait mise au point, avait calculé la valeur réelle de différentes professions tenant compte de ce qu’elles coûtaient et de ce qu’elles rapportaient. Les résultats surprenants avaient été les suivants : 

Les personnes chargées de l’entretien ou du recyclage des déchets  étaient beaucoup plus utiles à la société que les cadres supérieurs exerçant dans la banque ou dans la publicité.

. Je concluais que nous devions en conscience nous poser la question, aussi longtemps que nous sommes en activité, de notre véritable utilité au service des autres et de la Collectivité. J’aurais dû ajouter, et même en retraite, comme nous venons de le voir précédemment.

L’Honnête homme tâchera d’améliorer son utilité au service des autres, s’il est par exemple simple employé dans l’Administration, en développant des activités bénévoles qui sont innombrables, de l’aide aux personnes âgées et handicapées à celle aux chômeurs en passant par l’assistance aux populations des pays dits en voie de développement.

Il privilégiera toujours les activités où il peut utiliser ses compétences, par exemple, un chef du personnel assistera des demandeurs d’emploi, ou un publicitaire leur apprendra à se vendre. Ce qui ne leur interdira pas à l’un et à l’autre de distribuer des repas aux Restos du Cœur le jour de Noël…s’ils n’ont pas de fête de famille ce jour-là.

3/ Leur faire profiter de son savoir,

 Mon Blog du 28 Août 2014 s’intitulait, « Il ne suffit pas de faire partie d’un réseau, faut-il savoir encore partager. »

Dans la famille, cela peut paraître évident. Faut-il encore que deux conditions soient réunies. La première est que l’Honnête homme, père ou mère, y consacre suffisamment de temps. La deuxième est que les enfants essentiellement, mais aussi parfois le ou la conjointe y soit réceptifs. Ce qui n’est pas toujours le cas.

Dans l’entreprise, ce n’est pas toujours facile, car le savoir, c’est le pouvoir. En tant que patron d’une société de conseil, j’ai eu beaucoup de difficultés à faire circuler l’information entre mes collaborateurs ingénieurs. Les plus réticents étaient les moins sûrs d’eux qui craignaient de perdre leur poste et/ou leur prestige aux yeux des collègues et du patron, voire auprès de nos clients.

 4/ Les former

Sur le lieu de travail. Les stagiaires ou les personnes en formation en alternance. Il faut davantage penser à ce que nous pouvons leur apporter plutôt que ce qu’ils peuvent apporter à l’entreprise. Cela est vrai aussi pour les apprentis. Il n’est pas donné à tout le monde d’aimer former les autres et de savoir les former. Mais l’Honnête homme, lui, se fera un devoir de former toute personne dont il a moralement la charge, qu’il soit un simple stagiaire ou un jeune collaborateur Il acceptera même de prendre le risque, dans certains cas, que son élève dépasse un jour le maître.

 

Dans un prochain chapitre, nous examinerons comment l’Honnête homme doit se comporter avec les autres, en plus de les aider chaque fois qu’il le peut.