samedi 23 mai 2020

Pourquoi les médecins disent parfois n'importe quoi...surtout quand ils s'aventurent hors de leur domaine de compétence.





Depuis l’apparition de l’épidémie du Coronavirus, de nombreux médecins s’expriment dans les médias ; ils ne sont pas tous virologues ou infectiologues, ils sont urgentistes, réanimateurs, rhumatologues, cardiologues… et occupent des fonctions variées, hospitalières, journalistiques, syndicales.  Leurs points de vue s’opposent souvent quand ils ne se contredisent pas eux-mêmes, d’une intervention à une autre, comme celle par exemple, de porter ou non un masque.

Le français moyen ne peut qu’être étonné, voire dérouté devant de tels comportements de la part d’hommes et de femmes instruits, même pour certains savants dans leur domaine. Les hommes et femmes politiques, il est habitué à les entendre dire des choses inexactes, soit par manque de connaissance du sujet concerné, soit parce qu’ils servent avant tout leur cause, leur parti, leur idéologie. Alors quand un médecin est en même temps un responsable politique ou syndical… 

Moi, qui professionnellement les fréquente depuis très longtemps, je ne suis pas du tout étonné et je vais en donner les raisons.

Je précise tout de suite que je ne parle pas des médecins généralistes, nos médecins de famille, à qui on ne demande pas leur avis, sauf quand ils ont des responsabilités syndicales nationales.

Ces raisons, je les ai décrits en partie dans mon livre : Je vous ai bien aimés, docteurs !*

1ère raison Ils se croient supérieurs et manquent d’humilité.
Les médecins ont un sentiment de supériorité intellectuelle justifié à leurs yeux par de longues années d’étude et une sélection impitoyable, vis-à-vis de ceux qui ne le sont pas, même s’ils sont aussi docteurs, voire agrégé, mais en histoire ou en économie.

Surtout, ils n’ont pas l’habitude d’être contredits quand ils s’expriment devant leurs malades, même s’ils profèrent des âneries ou des mensonges, de même que les enseignants sont rarement contredits par leurs élèves.  Ce qui leur donne une très grande assurance, une trop grande assurance. Ainsi quand ils abordent des sujets autres que la médecine, ils pensent qu’ils sont tout aussi compétents, comme par exemple en économie. J’en ai été témoin tout au long de ma carrière. Ils m’ont même incité à écrire à leur intention un dictionnaire de management de la santé, DICOMAZ *

Anecdote :  Excédé par les propos infondés de certains médecins, lors d’une réunion d’une clinique neuve que nous venions d’ouvrir, je m’étais laissé emporter par une feinte colère et je proposais d’organiser rapidement un samedi un séminaire et y inviter tous ceux qui voulait avoir une information suffisante pour se forger une opinion correcte sur les sujets dont nous avions à débattre. Ce qui fut fait. Je dois dire que la majorité vint, bien que nous étions au printemps et qu’il fît beau ce jour-là, et qu’ils se montrèrent très attentifs et particulièrement participatifs. Une classe de rêve pour l’enseignant que j’étais alors.  
D’autres parallèles pourraient être établis entre les médecins et les enseignants, mais leur analyse sortirait du cadre de cet article.

2ème raison La médecine n’est pas une science exacte.
S’il n’y a pratiquement plus de controverses aujourd’hui sur l’anatomie du corps et sa physiologie, il n’y a pas unanimité loin de là quand il s’agit de se mettre d’accord sur les différents moyens pour traiter ses dysfonctionnements. Bien sûr qu’il y a des conférences de consensus pour se mettre d’accord, mais il  y a encore beaucoup de chemin à parcourir tant les sujets sont complexes.  

Anecdote : Nous étions dans les années 80, je venais de lancer des stages de formation auprès des directeurs hospitaliers, sur les techniques médicales, considérant qu’ils devaient les connaître   comme des directeurs d’usine connaissent leurs fabrications.  Des médecins que j’avais sollicités pour animer ces stages m’avaient posé une condition : qu’il n’y ait pas de médecins dans la salle ! Il faut dire qu’à cette époque pour ne prendre qu’un seul exemple, certaines écoles de chirurgie prônaient l’ablation totale du sein en cas de tumeur et que d’autres y étaient opposées.  Je suis intervenu dans un établissement où les deux écoles étaient représentées, l’une par les chirurgiens, l’autre par les gynécologues, je laisse au lecteur deviner l’ambiance.

3ème raison La mauvaise utilisation des statistiques
Les médecins, en particulier, fondent leurs raisonnements sur des statistiques obtenues par la recherche médicale. L’utilisation de méthodes statistiques erronées biaiserait de nombreux résultats, jusqu’à 80% pour certains auteurs.
Prenons seulement l’exemple de la vitamine C que des études sérieuses avaient conclu à son efficacité contre le cancer et d’autres études tout aussi sérieuses dont les conclusions étaient diamétralement opposées.  Il est vrai que n’avait pas été tenu compte du dosage !  Tout est dans le dosage…

Il y a de nombreux biais, je n’en citerai que 5 :
-        Sélection des personnes sondées.
-        Techniques de mesure.
-        Publications, appelées biais d’auto complaisance qui diffusent largement les données quand elles sont favorables aux thèses de leurs auteurs. Ce qui relève de la malhonnêteté intellectuelle. J’en reparle plus avant.
-        Interprétations comme les erreurs d’analyse des résultats.
-        Spectre en médecine où un test diagnostique peut offrir une sensibilité variant en fonction de la gravité de la maladie.
Plus de 500 000 communications scientifiques non redondantes sont publiées chaque année dans les journaux médicaux et nous pouvons nous demander combien sont réellement pertinentes.

4ème Raison La psychologie de l’erreur de jugement à laquelle les médecins n’échappent pas.
Nous recherchons, même parfois inconsciemment, des éléments de preuve qui renforcent notre point de vue, et nous passons sous silence des informations qui le contredisent.  Plus grave, nous essayons de réfléchir le moins possible et nous allons parfois jusqu’à modifier nos perceptions jusqu’à ce qu’elles coïncident avec celles du groupe auquel nous appartenons.  Comme Julien BENDA le dénonçait dans « La trahison des clercs », l’engagement dans une cause quelle qu’elle soit amène certains, généralement très médiatisés, à être de mauvaise foi.
J’ajouterai une raison supplémentaire.

5ème Raison L’attirance pour la célébrité
Les médecins comme d’autres, notamment les hommes et femmes politiques, ne savent pas résister à l’appel de la célébrité, fusse-t-elle que de quelques minutes sur une antenne de radio ou de télévision quand un journaliste veut les interviewer. Au lieu de dire : je ne sais pas, ils improvisent une opinion sans fondement sérieux, si possible un peu originale pour faire le buzz, comme on dit.

Il est bon de rappeler en conclusion les quatre adversaires des progrès de la science aujourd’hui malmenée, contestée par beaucoup de nos concitoyens et que dénonçait le Professeur Jean BERNARD :
L’argent qui pervertit ceux qui le chérissent, l’ignorance quand elle est volontairement entretenue et les dogmes et la magie quand on s’ y réfugie.  J’ajouterai l’orgueil des hommes qui ne veulent pas reconnaître qu’ils ont tort.

J’aurais l’occasion de revenir sur certains de ces thèmes dans le chapitre que je consacrerai ultérieurement à l’Honnête homme, médecin.

·      Les Editions IFRHOS : leseditionsifrhos@orange.fr

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