mardi 26 mai 2020

Mon médecin généraliste me répond



Tout d’abord les médias ont besoin de recourir à des experts en tout genre et pour certains non experts ou experts autoproclamés à la seule fin de couvrir médiatiquement les évènements offrant leur minute de gloire à certains confrères.
Sachez que les avis experts contrairement à ce qui est généralement admis dans les milieux non médicaux n’ont aucune valeur scientifique. Je me souviens d’un (sage) maitre qui nous enseignait de ne pas lire les avis d’experts, lesquels ont la même valeur scientifique que l’avis du concierge. Et pour cause ils font appel à l’expérience et au ressenti dans un domaine précis que personne ne maitrise puisque s’ils étaient admis scientifiquement on ne leur demanderait pas leur avis. Leur recours à l’avis d’expert vient palier un trou dans le domaine du non factuel. Autant vous dire que dans le contexte actuel, avec un nouveau virus dont on ne sait rien il est difficile d’être péremptoire quant aux différents problèmes qu’il nous pose.

Vient la question de l’échange entre scientifiques. L’échange est vital avec des avis contradictoires, les retours d’expérience pour élaborer des hypothèses afin de construire des modèles et explorer des pistes. Ces échanges vitaux pour la science n’ont pas à sortir du cadre scientifique.  Personne n’a du subir les échanges qui ont conduit les scientifiques à élaborer le premier voyage de l’homme dans l’espace ou sur la lune. On s’est contenté d’offrir au public le spectacle d’années de recherches fructueuses. C’est la même chose dans le milieu médical, d’autant que cela décrédibilise les scientifiques qui donnent l’impression d’agir en girouette et de ne pas maitriser leur sujet. Aujourd’hui ceux qui travaillent sur un vaccin contre le coronavirus échangent entre eux, formulent des hypothèses, essaient de les mettre en œuvre. Ils ne sont pas médiatisés et peut-être en entendrons-nous parler lorsqu’ils auront découvert un vaccin efficace ?

Vous parliez des études scientifiques. Je voudrais déjà préciser que dans le domaine du vivant les seuls modèles mathématiques dont on dispose sont obligatoirement statistiques. Une étude bien conduite affiche d’emblée une question UNIQUE à laquelle l’étude doit répondre. La puissance statistique du test dépend de l’effectif et du type d’étude. S’agissant d’un test statistique il n’est pas très compliqué de définir à l’avance le risque de conclure à tort. Il est obligatoirement de 5% dans les études publiées (risque alpha). Bref le RESULTAT d’une étude répond à une seule question avec un risque d’erreur statistique de 5%. Ce risque se majore obligatoirement à l’étape de la DISCUSSION où doit être fait l’inventaire des biais et où le résultat mathématique est transcrit en CONCLUSION. Une étude achevée ne doit pas utiliser ses résultats en sous-groupe pour tirer des conclusions sur un aspect apparu en cours d’étude (ANALYSE EN SOUS GROUPE). Reste la publication. Aujourd’hui il y a une forte incitation à publier tous les résultats pour diminuer le BIAIS DE PUBLICATION dont vous parlez. Peut-être avez-vous entendu parler de META-ANALYSES. Il s’agit d’une étude qui reprend toutes les publications sur un sujet. Sa puissance statistique est très élevée et reste le Gold standard des études sur un sujet. Encore faut-il que toutes les études compilées, y compris négatives, soient bien publiées… Bref tout ceci pour vous expliquer qu’une étude peut-être contredite par la même étude à hauteur de 5% environ (conclusion à tort) et qu’une étude ne répond qu’à la question que l’on a posé par avance. SI dans une étude il est question de la dose X du produit Y, la conclusion ne peut extrapoler les résultats avec la dose Z du produit Y quand bien même les résultats statistiques pourraient le suggérer étant donné qu’il s’agit d’une analyse en sous-groupe (réponse à une question que l’on ne s’était pas posé).
Lire une étude est intéressant lorsque l’on est averti et les revues de publication décortiquent tous les aspects d’une étude avant publication.

J’en reviens à la situation actuelle ou pour ne pas le citer, un médecin de renom, chercheur, au fort palmarès de publications scientifiques, s’est mis à dérailler brutalement, misant sa réputation et l’ensemble de sa carrière sur une impression d’efficacité de la Chloroquine sans même prendre la peine de la tester dans une étude solide. Et pour être honnête je lui en veux d’autant plus qu’à mon humble niveau, j’ai un temps croulé sous les demandes parfois insistantes pendant une période de tension et de détresse de certains patients atteints, répétant systématiquement qu’il n’y avait pas de preuve scientifique d’efficacité pour un risque cardiaque certain… Je me fiche d’avoir eu raison sur le fond, son traitement AURAIT PU être efficace, ce qui me scandalise c’est l’avis péremptoire de l’expert.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire