dimanche 26 avril 2020

Un ménage à trois en plein confinement



Le lecteur sera déçu s’il s’attend à découvrir un récit érotique d’un homme et deux femmes vivant confinés sous le même toit. Il y a bien un homme et son épouse ainsi qu’une autre femme avec qui il partage son temps plusieurs heures par jour.

L’homme en question, c’est l’auteur de ces lignes, et l’autre femme se prénomme Toussainte, mon aïeule, dont j’écris actuellement la biographie. Chaque jour, je m’installe devant mon ordinateur et après avoir effectué ma revue de Presse internationale, pris connaissance de mon courrier et parfois twitter quelques réflexions sur l’actualité, je la retrouve. Car en plus de faire le récit de sa vie qui se déroule de 1748 à 1805, je tiens son journal. 

Je m’assieds auprès d’elle à la table de sa chambre que je connais bien grâce au relevé cadastral napoléonien et à un inventaire notarié qui m’ont permis de la reconstituer.

Son mari dort encore ainsi que le reste de la maisonnée, Toussainte a appris à se lever très tôt été comme hiver au pensionnat chez les religieuses. Elle a sorti du dessous de son lit où elle les cache, son journal, une ramette de papier, un pot d’encre et des plumes d’oie qu’elle taille régulièrement avec adresse. Elle me dicte ce qu’elle veut écrire.

Expérience singulière. Parfois je me laisse aller à la devancer devinant ce qu’elle va vouloir dire, mais elle me reprend et m’oblige à me corriger. Elle m’apprend la lenteur habituelle de son siècle qui m’est inconnue et la justesse des mots et des expressions que je néglige trop souvent. 

Toute personne qui écrit des fictions sait qu’il ne peut pas faire ce qu’il veut des personnages qu’il a créés.  Ceux-ci parfois lui échappent. Mais Toussainte, je ne l’ai pas créée, elle a bel et bien existé et il m’est encore plus difficile de lui faire dire ce que je voudrais car contrairement à un personnage de fiction je dois tenir compte de tout ce que je sais d’elle.

J’ai toujours beaucoup de plaisir à la retrouver et déjà je pense à la tristesse que j’éprouverai quand je la quitterai pour toujours au mois de Novembre 1805. Certains lecteurs compatissants envers mon épouse se demanderont si elle n’en ressent pas d’ombrage. Je les rassure, elle en profite au contraire pour s’entretenir avec nos enfants disséminés en France et hors de France, via Whats’App et Skype.     

1 commentaire:

  1. Très touchant. Je suis un peu – mot affreux, pardon – overbooké en ce moment, mais je l'ai inscrit sur ma liste. Je prendrai le temps de le lire.
    Bien à vous.
    Paul GABION

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