samedi 5 septembre 2020

L'Honnête homme conseiller

 

Mon intérêt pour le sujet s’explique par une pathologie très développée que j’appelle une « conseillite aigue ». Elle se traduit par le besoin irrépressible chez moi de donner des conseils, privés et professionnels, même à des personnes qui ne me les demandent pas.

Je me suis interrogé sur cette affection certes indolore, mais qui peut être parfois décevante. Je me suis aperçu que j’avais besoin de rendre service, mais aussi, je l’avoue, de montrer mes connaissances. Des méchantes langues parleraient de les étaler.

Là encore, le vice rejoint la vertu comme dans bien d’autres de nos actions.

Je l’ai contractée en 1966 de la manière suivante :

Jeune cadre d’une banque d’affaires, responsable de financements professionnels, j’avais eu à traiter une demande de prêt par un boulanger installé dans la périphérie de la banlieue lyonnaise pour l’acquisition d’un four à mazout (c’était l’époque à la fin des années 60 où les boulangers remplaçaient leur four à bois).

Ce boulanger était propriétaire de son fonds de commerce net de tout nantissement et des murs libres d’hypothèques. Il offrait donc d’excellentes garanties. Un client idéal pour un prêteur sur gage. Seulement, il rencontrait un problème majeur : son chiffre d’affaires diminuait régulièrement et inexorablement à cause de la concurrence d’une boulangerie industrielle ainsi que par la décroissance de la population du village et des bourgs alentours qu’il desservait. En conscience, je ne pouvais pas l’inciter à faire un tel investissement qui   n’aurait pas pour effet d’augmenter ses ventes. Je le conseillais donc d’abandonner son projet. J’avais conscience aussi que la banque qui m’employait ne me payait pas pour donner des conseils, mais pour vendre des crédits. On nous appelait d’ailleurs à l’époque des « creditmen ».  Sans parler du fournisseur du matériel très déçu que je lui fasse rater une vente. 

J’en tirais la conclusion logique en démissionnant et me mettant à mon compte comme conseiller financier, mes premiers clients étant des jeunes médecins qui voulaient construire une clinique à Vénissieux.

Je parlerai de conseiller en entreprise et plus particulièrement auprès des cliniques et hôpitaux que j’ai pratiqués depuis plus d’un demi-siècle, mais certaines de mes recommandations peuvent être suivies par des avocats, des notaires ou des médecins.

Prestations de service et conseil

Il ne faut pas confondre les deux. Je prends l’exemple du conseiller en entreprise qui réalise un audit de fonctionnement. Sa prestation consiste à analyser une situation donnée et à donner éventuellement les différentes solutions pour l’améliorer -s’il y a demande d’audit, c’est que celle-ci n’est pas satisfaisante- avec les avantages et les inconvénients de chacune.

Quand un malade consulte un médecin, celui-ci analyse son problème par un interrogatoire suivi d’un examen clinique et il lui délivre une ordonnance qui liste les médicaments relevant de la pharmacopée et censés guérir ou tout au moins soulager la pathologie reconnue. Eventuellement, il propose des examens complémentaires pour affiner son analyse et ses traitements.

Le conseiller en entreprise, comme le médecin n’ont réalisé jusqu'alors  que des prestations auprès de leurs clients.

Ils peuvent être amenés  à les conseiller quand ils doivent faire un choix entre deux stratégies managériales ou thérapeutiques. Ce qui est beaucoup plus difficile.

Le titre dont s’affublent certains employés du commerce est trompeur. Il est utilisé pour faire croire aux clients qu’ils ne peuvent être que bien servis s’ils ont à faire, non pas à un simple vendeur, mais à un conseiller, c’est-à-dire quelqu’un de compétent et de désintéressé.

Les consultants. On nomme, ou ils se nomment ainsi, pour s’attribuer un brevet de compétence. L’exemple le plus connu est celui des consultants sportifs. Un ancien joueur de football ancien international, sachant à peu près correctement s’exprimer en français, assistera un journaliste sportif pour commenter à la télévision un match. Il ne donnera pas des conseils aux téléspectateurs, ni aux joueurs sur le terrain, c’est le rôle des entraîneurs. 

Le vrai métier de conseiller

Le client, consciemment, mais le plus souvent inconsciemment, transfère sa responsabilité sur son conseiller qu’il considère plus compétent que lui, quant au choix de la solution à retenir.

Le client prononce alors la célèbre phrase : Que feriez-vous si vous étiez à ma place ?

Se mettre à la place de quelqu’un, cela est très difficile.  L’empathie ne suffit pas en l’occurrence, elle est même déconseillée et c’est pourquoi un médecin évitera de soigner ses proches.

Le conseiller doit intégrer les propres données de son client, son âge, son tempérament, son plus ou moins grand goût du risque, son environnement familial et professionnel. Ce qui suppose qu’il doit bien le connaître.

Doit-on tout dire à son client ?

Je pense que non.  Certains risquent potentiels, le conseiller avisé les gardera pour lui, sauf si les taire peut entraîner des poursuites judiciaires, ce qui conduit ainsi les Laboratoires Pharmaceutiques à faire l’inventaire exhaustif des effets indésirables de leurs médicaments. La judiciarisation grandissante ces dernières années de notre société, à l’instar des Etats Unis, la transparence à tout prix et le culte du risque zéro poussent les responsables dans tous les domaines à se protéger des juges en s’entourant de garanties.  

Malgré cela, je persiste à penser qu’un Honnête homme conseiller continuera à prendre des risques car c’est ce que veulent ses clients, consciemment ou non.  

 

Dans mon prochain article je traiterai des Réseaux Sociaux et j’expliquerai pourquoi leur fréquentation m’a jusqu’à maintenant déçu.  

 

 

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