samedi 20 septembre 2014

Pourquoi est-il si difficile de dire " Je ne sais pas"




La première fois que j’ ai entendu  prononcer cette réplique, c’était en 1968, dans une réunion à laquelle je participais et  où le directeur financier de Radio Luxembourg avait ainsi sobrement répondu à la question qui lui  était posée - je ne me souviens plus sur quoi elle reposait,  mais je me souviens par contre  qu’ il était le plus compétent d’entre nous pour y répondre - Il ne nous avait pas donné un avis, exprimé  une opinion et encore moins disserté sur le sujet. Il l’avait immédiatement clos par cet aveu d’ignorance.
Nous confondons  trop souvent : savoir et avoir une opinion. Dans « Mérites - tu vraiment ton salaire ?  je m’étonne des questions parfois posées dans la Presse à ses lecteurs comme celle-ci : «  Estimez - vous positif le bilan d’ OBAMA à mi–mandat ? » à laquelle ceux-ci répondirent OUI à 63%, NON à 37% et JE NE SAIS PAS à  0%. S’ils n’avaient pas confondu les deux, ils  auraient avoué à plus de 50% qu’ils ne savaient pas. En effet,  comment pouvaient-ils  porter un jugement valable sur l’action politique d’un chef d’Etat étranger, et même avoir une simple opinion un peu fondée, tellement les différents aspects de cette action sont nombreux et souvent complexes ?  Ces enquêtes journalistiques relèvent de la démocratie d’opinion aujourd’hui très à la mode. Que les citoyens donnent leur opinion sur des sujets qui les concernent. Par exemple, s’il est demandé à des parents d’élèves s’ils sont favorables ou non à la modification des rythmes scolaires pour leurs propres enfants, la réponse sera toujours un avis autorisé. Cela est souhaitable et même indispensable dans une démocratie moderne. Par contre qu’on leur fasse croire qu’ils sont capables d’avoir une opinion sérieuse sur beaucoup de sujets qui le plus souvent les dépassent, et ,sous-entendu, qu’on en tiendra compte, c’est purement démagogique.   
Plus on sait, plus on a conscience, non pas  que l’on ne sait rien - comme le faisait dire PLATON à SOCRATE et sur lequel on peut gloser à l’infini quand on n’a rien à faire - mais que l’on a encore à apprendre, parfois beaucoup, car à mesure que l’on avance dans la compréhension d’un sujet on découvre toute sa complexité cachée aux yeux du profane. Ce qui faisait ironiser le généticien  Albert Jacquard, « comprendre que l’on n’a pas compris est ce qui est le plus difficile à comprendre ! »
Dans les réunions entre amis, dans les repas de famille, chacun peut se laisser aller à  exprimer  son opinion, sans aucune  retenue, ne serait- ce que pour provoquer et entretenir le débat, cela n’a pas de conséquence, d’autant que l’on profère beaucoup de bêtises dans  ces occasions là  et que l’objectif principal n’est pas de s‘instruire grâce  la connaissance des autres, mais de se détendre et de rire si possible. Encore que les enfants, s’ils sont présents, peuvent prendre pour argent comptant ce que disent leurs parents, même s’ils s’en défendent.
Le plus souvent, si « je ne sais pas » est trop abrupt, au moins, nous devrions le remplacer par : je crois savoir, ou mieux encore par : je ne suis pas sur(e), mais je crois savoir. Dans mon métier de consultant, j’ai toujours essayé de distinguer le conseil que je donnais à mes clients fondé sur le savoir, c’est-à-dire la connaissance approfondie du sujet concerné,  du simple avis.
Cette précaution élémentaire s’impose à chacun d’entre nous et d’une manière d’autant plus impérative que notre voix est écoutée. J’ai parlé dans un article précédent des journalistes au sujet de la mort de Dominique BAUDIS du rôle néfaste de certains d'entre eux. Des hommes et des femmes qui n’ont pas toujours conscience de leur lourde responsabilité tout comme  les responsables politiques qui trop souvent s’expriment sur des sujets qu’ils ne connaissent au mieux que par la lecture des fiches qui leur ont été préparées par leurs collaborateurs.       
               

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