Je tiens à rappeler en préambule,
une fois de plus pour ceux qui n’auraient pas lu les chapitres précédents, que
l’Honnête homme, quelle que soit sa profession, quelle que soit son activité se
distingue de l’homme ordinaire par la conscience aigüe qu’il a de ne pas être
parfait et sa
volonté de devenir meilleur.
Tout au long de mon exposé, il
m’arrivera de distinguer les professeurs de l’enseignement primaire, appelés
autrefois du beau nom d’instituteur, des professeurs de l’enseignement
secondaire et de ceux du supérieur.
Tout d’abord je veux souligner
que leur tâche à tous est rendue difficile aujourd’hui pour plusieurs raisons :
- la démission des adultes
- le relativisme moral ambiant
- la perte d’autorité des
parents
- le jeunisme triomphant
Pour résumer, je citerai à 25
siècles de distance, PLATON et le philosophe Robert REDECKER.
Le premier : « Lorsque
les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent
plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves
et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois
parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de personne,
alors c’est là en toute jeunesse et en toute beauté, le début de la tyrannie. »
Le second : « Nous
vivons dans une société persuadée depuis trois ou quatre lustres qu’il faut
mettre les jeunes à l’abri du réel. La famille, l’école et la publicité
installent l’enfant, puis le jeune, à l’écart de la dureté du réel. On incite
l’enfant à exercer la tyrannie de son désir sur les adultes coupables d’être
adultes. »
L’Honnête homme Professeur
doit :
Mettre les enfants qui lui sont
confiés à leur juste place et savoir exercer sur eux son autorité afin qu’il
puisse captiver leur attention et leur transmettre son savoir dans les
meilleures conditions.
Ce n’est pas à l’enfant de dicter au
professeur ce qu’il veut apprendre pas plus qu’il ne doit décider ce qu’il veut
manger à la table familiale ou au restaurant. « L’école est un lieu où
l’on apprend ce qu’on ne sait pas, non un lieu où on exprime ce que l’on croit
savoir » rappelait Monique CANTO SPERBER, ancienne directrice de l’ENS
de la rue d’Ulm.
Exercer son autorité.
L’autorité du professeur comme
celle des parents, il ne la détient pas, il l’exerce et pour cela il faut qu’il
soit compétent dans son domaine, irréprochable dans son comportement et les
enfants doivent sentir qu’il les aime. Le philosophe Michel SERRES qui vient de
nous quitter dans l’indifférence des médias, je le dis en passant pour le regretter
amèrement, nous apprend qu’autorité vient du verbe latin augere qui
signifie augmenter. Ainsi son autorité
d’écrivain augmente la connaissance de ses lecteurs de même que l’autorité d’un
professeur augmente celle de ses élèves.
Captiver son attention
Cela n’est pas toujours chose
aisée. L’auteur de ces lignes en a eu la triste expérience deux fois dans sa
vie. La première avec des jeunes filles totalement allergiques au cours
d’italien commercial qu’il leur donnait, la seconde avec d’autres jeunes gens
des deux sexes, cette fois, censés suivre son cours, il est vrai, oh combien
indigeste, sur les assurances. Dans les deux cas, il avait dû utiliser différents
stratagèmes pour tenter de les intéresser.
Je rappelle que :
L’Honnête homme, quelle que soit
sa profession, doit exercer une activité économiquement et socialement utile en
y exploitant ses talents.
Je peux donc dire que dans les
deux cas, je ne remplissais pas les conditions requises, excepté le plaisir que
j’avais de parler une langue qui m’est chère, même réduite à son usage purement
commercial. J’avais certes une excuse, je devais gagner ma vie. Mais ce ne fut
que temporaire à mon retour d’Algérie avant de débuter une carrière bancaire.
Mais nous n’étions alors qu’au
début des années 60. Aujourd’hui, la tâche des professeurs, surtout dans le
primaire et le secondaire, est rendu plus difficile pour les raisons que j’ai
indiquées mais aussi par des élèves excessivement sollicités par la télévision,
internet et les téléphones mobiles qui s’invitent en classe.
Dans
l’enseignement supérieur, cela est différent, les étudiants ont pour la plupart
voulu et choisi d’être sur les bancs de L’Université ou d’une grande Ecole,
encore qu’ils puissent leur arriver de se montrer parfois inattentifs. Dans les
cours que j’ai donné aux élèves de l’Ecole de Commerce de Lyon, je n’ai jamais
accepté d’être dérangé par quelque perturbation que ce soit, même par de
simples chuchotements entre deux élèves assis côte à côte. Pour obtenir le
silence, je m’adressais aux troublions leur disant que je comprenais fort bien
que mon exposé ne les intéressât point - moi-même quand j’étais étudiant il
m’était arrivé de m’ennuyer durant certains cours- mais je leur demandais, soit
de se taire et s’occuper par exemple à lire un journal s’ils en avaient un,
soit de quitter la salle. Plus tard quand j’animerais de journées d’étude
auprès de professionnels, j’exigerais le même respect de la part de mes
auditeurs.
Pour comprendre mon attitude qui
peut paraître sévère, voire rigide, il faut que le lecteur sache, s’il n’est
pas enseignant lui-même, que vouloir transmettre son savoir est une épreuve
physique redoutable et qu’une grande concentration est indispensable. La
première fois que j’ai animé une journée d’étude auprès de chefs d’entreprise
qui s’intitulait « Votre banquier et vous », mes collègues, à la fin
de mon intervention, avaient dû me porter à bout de bras pour me sortir de la
salle, mes jambes se dérobant sous moi.
Aujourd’hui je réalise que mon souci
du respect scrupuleux de l’exercice de l’autorité du professeur trouve son
origine dans la fréquentation de mon lycée, le Lycée Claude Fauriel. J’assistais
impuissant à de véritables exécutions de profs parmi les meilleurs - je pense à
un prof d’anglais passionné de Shakespeare qui avait contre lui une voix de
fausset et l’un d’histoire géo, grand connaisseur de la Révolution française et
de la Révolution russe qu’il aimait comparer- par des groupes d’élèves, qui avec un plaisir
sadique les chahutaient en permanence. Les mêmes individus pleutres que je
retrouverais dans les bizutages et plus tard au service militaire pendant les
classes.
Je n’ai pas eu l’honneur
d’enseigner dans une école primaire ou un collège, mais je sais que pour les
raisons que je viens d’évoquer que je n’aurais jamais accepter du chahut dans
ma classe ou sinon j’aurais démissionné.
L’Honnête homme Professeur se
doit de quitter ses fonctions, voire d’abandonner son métier, s’il ne peut pas exercer
pleinement ses talents parce qu’il n’arrive tout simplement pas à obtenir l’attention
de ses élèves. Il doit aussi l’abandonner s’il n’aime pas les enfants.
Changer de métier, nous avons vu
que cela est assez aisé pour un médecin tellement sont nombreuses les
possibilités de reconversion, mais pour un professeur, cela est plus difficile. J’en suis bien conscient. Mais cela n’est pas
impossible. Etant fonctionnaire, il peut se reconvertir dans l’Administration,
en particulier dans les Collectivités locales. Et pourquoi pas s’exercer à un
autre métier dans le commerce, l’agriculture ou l’artisanat ? J’ai connu
un professeur de mathématiques qui s’était reconverti avec bonheur dans la direction
d’un hôpital privé. Dans tous les cas, les transferts dans les deux sens du
Privé au Public et vice versa est souhaitable aussi bien dans l’intérêt des
personnes concernées que dans celui de la Collectivité.
Nous avons vu les conditions
dans lesquelles l’Honnête homme Professeur doit exercer. Dans une seconde
partie, nous verrons comment s’il est professeur d’enseignement primaire, il
doit notamment dispenser à ses élèves une instruction civique et leur enseigner
le goût et la vertu du travail.
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