samedi 18 mai 2024

Les nouvdeaux crieurs à l'ère des réseaux sociaux

 

En relisant mon Journal pour la préparation d’un nouvel ouvrage sur ma longue vie professionnelle dans les cliniques et hôpitaux, j’ai relevé ce passage en 1994 :

« Lors de l’un de mes rendez-vous messins, mon interlocuteur médecin à qui je venais d’apprendre l’origine de l’expression profession libérale : (personne acceptant des libéralités de ses clients, en guise de paiement, mais ayant souvent une fortune personnelle)  qui ne voulait  pas être en reste, m’apprenait à son tour qu’à l’époque des assyriens (entre 2500 et 605 avant JC, je précise pour les lecteurs) les médecins étaient fonctionnaires. On les appelait les crieurs, car ils venaient sur les marchés annoncer les cas qui leur étaient soumis, et y recueillaient les conseils des gens qui avaient eu les mêmes symptômes et s’en étaient guéris.

Le crieur public, installé aux carrefours ou en tout autre lieu « accoustumé à faire cry », introduisait à haute voix son information par « Oyé, bonnes gens, on vous fait savoir...

Nos nouveaux crieurs exercent sur les réseaux sociaux, notamment Facebook. Ils ne demandent pas aux gens ce dont ils ont souffert et dont ils ont guéri, ce qui est d’ailleurs dommage car le retour d’informations de la part du malade serait parfois utile aux médecins traitants et aux spécialistes.

Non, ces nouveaux crieurs, le plus souvent des médecins, font savoir qu’ils ont  découvert la recette miracle pour guérir les pathologies chroniques les plus courantes comme l’ arthrose. Ils profitent de la méconnaissance des médecins en phytothérapie et leurs produits, quand ce sont des produits, gélules, spray, patch, sont le plus souvent des extraits de plantes dont certaines sont bien connues pour leurs vertus thérapeutiques comme le ginko biloba pour la circulation sanguine que l’on retrouve dans certains médicaments prescrits par les médecins et que j’ai planté chez moi, un bel arbre surtout quand il est habillé de ses couleurs d’automne.

Leur démarche est très mercantile, le plus souvent à l’aide de vidéos promotionnelles.   Certains de ces crieurs profitent pleinement  de leur notoriété télévisuelle, l’un d’entre eux ayant déjà défrayé la chronique. La composition de leurs recettes miracles peuvent être  parfois discutables. Ainsi au sujet du collagène que l’on retrouve dans plusieurs produits vantés par ces crieurs. Je relève un article de la revue Que Choisir :   

« Les rares essais cliniques que l’on peut dénicher, sur les douleurs d’arthrose par exemple, sont mal conduits, sur un trop petit nombre de patients, sans comparer les résultats du collagène à ceux d’un placebo (une règle méthodologique de base). Malgré cela, certains produits affichent la mention « recommandé par les rhumatologues ». On ne sait pas lesquels. En tout cas pas le président d’honneur de la Société française de rhumatologie, le Pr Francis Berenbaum, qui tranche : « Il n’y a aucune preuve que ça marche. Et, surtout, il n’y a aucune raison que ça marche. »

En effet, le collagène étant une protéine, c’est-à-dire une grosse molécule faite de l’assemblage de petites briques, les acides aminés, il est découpé en morceaux lorsqu’il est ingéré. « Le corps n’est pas capable d’assimiler le collagène sous cette forme » explique le Dr Claire Vinatier, chercheuse dans l’unité Inserm Médecine régénérative et squelette à Nantes Université. « Lorsque du collagène est ingéré, il est traité comme toutes les autres protéines : il est dégradé en acides aminés pour pouvoir passer la barrière intestinale. Une fois assimilés, ces acides aminés peuvent servir à reconstruire des protéines, mais pas le collagène plus spécifiquement qu’une autre ». Dire qu’il va venir régénérer le cartilage ou combler les rides est aussi absurde qu’imaginer que manger du jarret de porc vous donnera de bons mollets musclés ou que la cervelle d’agneau vous fournira des neurones pour être plus intelligent. Le collagène ne se souvient pas d’où il vient.

Leurs méthodes sont parfois critiquables et il arrive même à certains sites, et je cite à nouveau Que Choisir :  « d’afficher des références qui sont de pures inventions comme ce prétendu certificat de conformité établi par la « Direction générale de la sécurité sanitaire des produits alimentaires qui n’existe pas contrairement à la DGAL, Direction générale de l’Alimentation et l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation »

Nos crieurs d’aujourd’hui ne sont pas des fonctionnaires du Ministère de la Santé comme ceux de l’Antiquité qui eux ne  pouvaient pas être suspectés de tirer des bénéfices de leur activité. Ce n’est pas pour autant qu’il faille rejeter tous les produits dont ils vantent l’efficacité, mais il faut être prudent et parfois circonspect.

 

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vendredi 26 avril 2024

A la découverte de l'Amérique, suite et fin.

 

Après avoir relaté mon voyage à San Francisco et celui à Boston, New-York, Memphis et Houston, voici le récit de celui que j’ai effectué, cette fois, seul à Washington.

Je m’y suis rendu en 1998 pour le Congrès Mondial de l’Hospitalisation  organisé par l’Organisation Mondiale de la Santé. A mon grand regret, mon épouse n’avait pas pu cette fois m’accompagner, étant très occupée par la préparation de la réception  à la Charpinière de l’équipe de football de Yougoslavie pour la Coupe du Monde*.  L’occasion pour moi d’assister à des conférences intéressantes et instructives sur l’état de la santé dans le monde et surtout de rencontrer des responsables étrangers comme la Présidente des Hôpitaux Publics canadiens qui facilitera mon séjour à Montréal deux ans plus tard où j’étudierai sur place la possibilité d’adapter mon ouvrage sur la taille des hôpitaux**  aux structures nord-américaines.

Emmené en autocar avec les autres congressistes, j’ai pu visiter les services d’urgence d’un hôpital où la Présidente canadienne m’a servi d’agréable interprète. Rien de très original dans l’organisation par rapport à celle d’un service français, sauf la présence inattendue de policières armées au milieu du personnel soignant ; Je me suis rappelé à cette occasion que la société américaine était  plus violente que la nôtre, ce qui était vrai à cette époque, cela l’est peut-être beaucoup moins aujourd’hui. Puis nous avons effectué une visite guidée de la  ville en passant, bien entendu, devant la Maison Blanche et le Capitole dont les extérieurs nous ont paru très calmes comme si les lieux étaient inhabités.  Nous nous sommes arrêtés au Mémorial Lincoln et en descendant du car, je me suis retrouvé nez à nez avec un directeur d’hôpital public qui avec un collègue était venu, quelques années auparavant, perturber pour le plaisir, un de mes séminaires à Béziers. Je m’étais promis de me venger en perturbant à mon tour l’un des siens si l’occasion m’était donné, mais Washington n’était pas vraiment le lieu pour régler nos comptes. Nous nous sommes donc réconciliés, mon interlocuteur ayant reconnu une erreur de jeunesse et l’esprit patriote animé en terre étrangère aidant, nous sommes sortis, le soir même, dîner en compagnie d’autres congressistes français au bord du Potomac.

Durant cette visite j’ai été impressionné par les stèles indiquant le nom de tous les américains morts pendant la guerre au Vietnam. J’ai pensé qu’il aurait été souhaitable qu’à Saint-Etienne soit aussi érigée une stèle, sur le site du Puits Couriot, lieu de mémoire, indiquant le nom de tous les mineurs morts à la mine comme mon grand-père paternel. Hélas, ma suggestion n’a pas été retenue par le Président des Amis du Musée de la Mine à qui je l’avais faite. Peut-être devrais-je la renouveler ?

Contrairement à New York tout en hauteur  avec sa forêt de gratte ciels de l’île de Manhattan, Washington est plus en surface, des grands immeubles certes, mais plus traditionnels et à peine nous nous éloignons du centre de la ville, qu’apparaissent des maisons avec leur jardin. Autre différence notoire, le calme. A lui seul, son métro vaut le détour. Il est très propre. Je ne l’ai trouvé comparable qu’à celui de Vienne et en plus il est parfumé. Il l’était tout au moins le jour où je l’ai pris.

Au sous-sol de mon hôtel, se trouvait un Centre de Remise en forme  comparable en plus grand à celui que nous avions créé à la Charpinière, mais avec en plus devant chaque  tapis de marche et de vélo d’entrainement un écran de télévision. Excellente initiative dont je m’inspirerai une fois revenu en France. Dans le hall d’entrée,  une jeune pianiste créait chaque soir une ambiance très agréable et il m’est arrivé de fredonner quelques airs en sa compagnie. 

J’ai effectué d’autres voyages d’affaires Outre atlantique, au Canada, dans les Caraïbes et en Polynésie que  j’aurai l’occasion de relater plus tard.

 * « Il était une fois à Saint-Galmier…la Charpinière » aux éditions Ifrhos.

** « La bonne taille d’un établissement hospitalier » préfacé par Jacques Barrot, ancien ministre de la Santé  aux éditions Ifrhos.   
             

vendredi 19 avril 2024

A la découverte de l'Amérique. Suite

 

Le lendemain de notre week-end à New York, toujours accompagnés par notre guide interprète, nous prenons l’avion à l’aéroport de Newark pour Memphis, la ville d’Elvis Presley dans le Tennessee. Durant le trajet, j’ai une pensée affectueuse pour le cousin de mon père, Brother Albertus, frère du Sacré Cœur, né à Boussoulet dans la Haute Loire, près de Saint-Julien-Chapteuil, le pays de Jules Romain.  Il avait fondé au début du siècle la Mac Gill Institute et nous avait rendu deux fois visite à dix ans d’intervalle. Si j’avais été seulement en voyage d’agrément, je serais allé découvrir l’établissement et sa bibliothèque dont il s’était occupé à la fin de sa vie et voir si le plan de verveine que ma mère lui avait donné et qui avait bien pris, nous avait-il écrit, existait encore et avait prospéré.

Nous sommes invités, sur la recommandation de mon client, le docteur Causse à Béziers, par le Professeur Shae, spécialiste comme lui de l’oreille interne, et propriétaire d’une doctor’s clinic, une clinique où les malades sont traités exclusivement en ambulatoire. En France, la chirurgie ambulatoire n’existe pas encore. Ce n’est que quelques années plus tard que mon client et ami, le docteur Philippe Marichez  commencera à la développer à la clinique Sainte Marie de Pontoise.

La clinique jouxte un hôtel classique où les patients et leur famille, qui viennent parfois de loin, peuvent séjourner. Nous sommes chaleureusement accueillis par le Professeur Shae et sa charmante épouse qui exploite une entreprise de décoration et d’aménagement intérieur. Néanmoins, à notre grande surprise, nos invités manifestent leur mécontentement. Cela fait 5 jours que nous sommes arrivés aux Etats Unis et nous n’avons pas encore visité un seul bloc opératoire, disent-t-ils. J’en fais part à mon hôte qui organise sur le champ une visite de celui de l’hôpital Saint-Francis situé en face de sa clinique sur l’autre rive du Mississipi où il hospitalise ses malades lourds qui nécessitent une hospitalisation classique. Je n’ai pas organisé ce voyage pour faire visiter des blocs opératoires pas différents des nôtres, mais pour découvrir l’organisation hospitalière précurseur de la nôtre. Pendant que mes invités font, enfin, leur visite et ravis, se font photographier au milieu des nurses, je m’entretiens avec le directeur au milieu de ses ordinateurs sur la facturation des malades selon leur pathologie. Facturation qui n’interviendra en France qu’en 2005.

Nous quittons Memphis le soir même pour nous envoler vers Houston où nous devons visiter deux non profit-hospitals, le Methodist Hospital et le Saint Luke’s Hospital.

Je précise que la moitié de nos invités sont directeurs ou administrateurs d’établissements à but non lucratif.  J’avais été étonné de l’importance de ce type d’organisation aux Etats Unis quand j’avais appris que de nombreux étudiants à la sortie d’Harvard entraient dans des non- profits organisations et c’est pourquoi j’avais pensé qu’une telle visite serait utile. Au Methodist Hospital, nous sommes royalement reçus, une voiture avec chauffeur et une jeune femme parlant le français viennent nous chercher, ma femme et moi. Nos invités nous suivant dans le car que nous avons loué. Le Methodist Hospital  comporte 10 établissements dans le Texas. Après avoir visité les installations, nous rencontrons son Conseil d’Administration au grand complet et nous sommes, là aussi, invités à déjeuner. Notre repas sera écourté par une sirène d’alarme incendie qui nous obligera à quitter assez rapidement les lieux.

Nous nous sommes demandés après réflexion si le déclenchement de la sirène n’était pas un moyen habituel de limiter la durée de présence des visiteurs.

Nous avons ensuite visité Le Saint Luke’s Hospital grâce à l’entremise du Professeur Alain Sisteron, chirurgien cardiovasculaire à l’Infirmerie Protestante de Lyon, qui y avait fait plusieurs stages. Cet établissement est en pointe en matière de chirurgie cardiaque et cardiovasculaire  et c’est pour cela qu’il m’avait conseillé de le visiter. Comme un de ses confrères nous faisait un  exposé sur les transplantations cardiaques qu’il pratiquait, je me suis aperçu que notre guide interprète, professeur de français de son métier n’était pas capable de traduire correctement les propos du chirurgien. Heureusement qu’un de nos invités, avait pu, au pied levé, la remplacer.  Je m’étais déjà rendu compte des limites de nos guides interprètes dans la maitrise des termes techniques à Memphis quand le responsable administratif de la clinique avait voulu nous expliquer les outils de gestion qu’il utilisait sur ordinateur.

Quand nous nous sommes rendus à la salle de conférence, quelle ne fut pas notre surprise de voir à travers une vitre un veau sur pied. L’hôpital ayant son propre Centre de recherches intégré. Nous avons découvert aussi  une hospitalisation haut de gamme avec des chambres et un service digne d’un 5 étoiles.

Nous ne nous sommes permis qu’un seul moment de détente en parcourant les allées d’une galerie marchande où des médecins avaient visser leurs plaques, comme de simples commerçants, mais ce qui nous a surpris, c’était de voir plusieurs vendeuses noires dont seule la couleur de leur peau les distinguait des femmes blanches.

Au retour, nous avons voulu dîner à Houston avant de prendre l’avion, mais dans le vol Mexico-Houston- Paris, il nous fut servi un excellent repas par la compagnie Air France, ce qui n’était pas recommandé pour le long voyage  que nous entreprenions.

Au terme de ce voyage, certains lecteurs pourront penser que j’ai eu raison trop tôt pour en tirer des enseignements dans l’organisation hospitalière comme la facturation à la pathologie ou la chirurgie ambulatoire qui verront plus tard le jour en France, mais je pense qu’il vaut mieux avoir raison trop tôt que trop tard. Personnellement j’ai retenu des enseignements sur la pratique du marketing hospitalier et dès mon retour j’ai lancé des formations sur ce thème avec la collaboration de Jean-Paul Flippo, professeur de marketing à l’EM Lyon.

Quand débarqués à Roissy, nous nous sommes quittés, un seul de mes  invités sur les 14 m’a remercié. Les autres ont dû penser, je l’ai supposé, que mon épouse et moi en avions profité pour voyager gratuitement à leurs frais, si j’ose dire, ce qui n’était pas le cas, bien entendu, et  ce qu’ils auraient peut-être fait s’ils avaient été  à notre place...  Dommage que ce beau voyage, que je ne regrette pas d’avoir organisé et entrepris, se soit  terminé sur cette fausse note révélant l’ingratitude humaine, mais je l’ai heureusement vite oubliée. Je ne m’en suis souvenu qu’en écrivant ces lignes.