La première fois que j’ ai entendu prononcer cette réplique, c’était en 1968,
dans une réunion à laquelle je participais et où le directeur financier de
Radio Luxembourg avait ainsi sobrement répondu à la question qui lui était posée - je ne me souviens plus sur quoi
elle reposait, mais je me souviens par contre qu’ il était le plus compétent d’entre nous pour
y répondre - Il ne nous avait pas donné un avis, exprimé une opinion et encore moins disserté sur le
sujet. Il l’avait immédiatement clos par cet aveu d’ignorance.
Nous confondons trop
souvent : savoir et avoir une opinion. Dans « Mérites - tu vraiment ton
salaire ? je m’étonne des questions parfois posées dans la Presse à ses
lecteurs comme celle-ci : « Estimez - vous positif le bilan d’ OBAMA
à mi–mandat ? » à laquelle ceux-ci répondirent OUI à 63%, NON à 37% et JE NE
SAIS PAS à 0%. S’ils n’avaient pas confondu
les deux, ils auraient avoué à plus de
50% qu’ils ne savaient pas. En effet, comment pouvaient-ils porter un jugement valable sur l’action
politique d’un chef d’Etat étranger, et même avoir une simple opinion un peu
fondée, tellement les différents aspects de cette action sont nombreux et
souvent complexes ? Ces enquêtes
journalistiques relèvent de la démocratie d’opinion aujourd’hui très à la mode.
Que les citoyens donnent leur opinion sur des sujets qui les concernent. Par
exemple, s’il est demandé à des parents d’élèves s’ils sont favorables ou non à
la modification des rythmes scolaires pour leurs propres enfants, la réponse
sera toujours un avis autorisé. Cela est souhaitable et même indispensable dans
une démocratie moderne. Par contre qu’on leur fasse croire qu’ils sont capables
d’avoir une opinion sérieuse sur beaucoup de sujets qui le plus souvent les
dépassent, et ,sous-entendu, qu’on en tiendra compte, c’est purement
démagogique.
Plus on sait, plus on
a conscience, non pas que l’on ne sait
rien - comme le faisait dire PLATON à SOCRATE et sur lequel on peut gloser à
l’infini quand on n’a rien à faire - mais que l’on a encore à apprendre,
parfois beaucoup, car à mesure que l’on avance dans la compréhension d’un sujet
on découvre toute sa complexité cachée aux yeux du profane. Ce qui faisait ironiser
le généticien Albert Jacquard,
« comprendre que l’on n’a pas compris est ce qui est le plus difficile à
comprendre ! »
Dans les réunions entre amis, dans les repas de famille,
chacun peut se laisser aller à exprimer son opinion, sans aucune retenue, ne serait- ce que pour provoquer et
entretenir le débat, cela n’a pas de conséquence, d’autant que l’on profère
beaucoup de bêtises dans ces occasions
là et que l’objectif principal n’est pas
de s‘instruire grâce la connaissance des
autres, mais de se détendre et de rire si possible. Encore que les enfants,
s’ils sont présents, peuvent prendre pour argent comptant ce que disent leurs
parents, même s’ils s’en défendent.
Le plus souvent, si « je ne sais pas » est trop
abrupt, au moins, nous devrions le remplacer par : je crois savoir, ou
mieux encore par : je ne suis pas sur(e), mais je crois savoir. Dans mon
métier de consultant, j’ai toujours essayé de distinguer le conseil que je
donnais à mes clients fondé sur le savoir, c’est-à-dire la connaissance
approfondie du sujet concerné, du simple
avis.
Cette précaution élémentaire s’impose à chacun d’entre nous et
d’une manière d’autant plus impérative que notre voix est écoutée. J’ai parlé dans un article précédent
des journalistes au sujet de la mort de Dominique BAUDIS du rôle néfaste de certains d'entre eux. Des hommes et des
femmes qui n’ont pas toujours conscience de leur lourde responsabilité tout
comme les responsables politiques qui
trop souvent s’expriment sur des sujets qu’ils ne connaissent au mieux que par
la lecture des fiches qui leur ont été préparées par leurs collaborateurs.
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