Depuis l’apparition de
l’épidémie du Coronavirus, de nombreux médecins s’expriment dans les médias ;
ils ne sont pas tous virologues ou infectiologues, ils sont urgentistes,
réanimateurs, rhumatologues, cardiologues… et occupent des fonctions variées,
hospitalières, journalistiques, syndicales. Leurs points de vue s’opposent souvent quand
ils ne se contredisent pas eux-mêmes, d’une intervention à une autre, comme
celle par exemple, de porter ou non un masque.
Le français moyen ne peut qu’être
étonné, voire dérouté devant de tels comportements de la part d’hommes et de
femmes instruits, même pour certains savants dans leur domaine. Les hommes et
femmes politiques, il est habitué à les entendre dire des choses inexactes, soit
par manque de connaissance du sujet concerné, soit parce qu’ils servent avant
tout leur cause, leur parti, leur idéologie. Alors quand un médecin est en même
temps un responsable politique ou syndical…
Moi, qui professionnellement les
fréquente depuis très longtemps, je ne suis pas du tout étonné et je vais en
donner les raisons.
Je précise tout de suite que je
ne parle pas des médecins généralistes, nos médecins de famille, à qui on ne
demande pas leur avis, sauf quand ils ont des responsabilités syndicales
nationales.
Ces raisons, je les ai décrits
en partie dans mon livre : Je vous ai bien aimés, docteurs !*
1ère raison Ils se
croient supérieurs et manquent d’humilité.
Les médecins ont un sentiment de
supériorité intellectuelle justifié à leurs yeux par de longues années d’étude
et une sélection impitoyable, vis-à-vis de ceux qui ne le sont pas, même s’ils
sont aussi docteurs, voire agrégé, mais en histoire ou en économie.
Surtout, ils n’ont pas
l’habitude d’être contredits quand ils s’expriment devant leurs malades, même
s’ils profèrent des âneries ou des mensonges, de même que les enseignants sont
rarement contredits par leurs élèves. Ce
qui leur donne une très grande assurance, une trop grande assurance. Ainsi
quand ils abordent des sujets autres que la médecine, ils pensent qu’ils sont
tout aussi compétents, comme par exemple en économie. J’en ai été témoin tout
au long de ma carrière. Ils m’ont même incité à écrire à leur intention un
dictionnaire de management de la santé, DICOMAZ *
Anecdote : Excédé par les propos infondés de certains
médecins, lors d’une réunion d’une clinique neuve que nous venions d’ouvrir, je
m’étais laissé emporter par une feinte colère et je proposais d’organiser rapidement un
samedi un séminaire et y inviter tous ceux qui voulait avoir une information
suffisante pour se forger une opinion correcte sur les sujets dont nous avions
à débattre. Ce qui fut fait. Je dois dire que la majorité vint, bien que nous
étions au printemps et qu’il fît beau ce jour-là, et qu’ils se montrèrent très
attentifs et particulièrement participatifs. Une classe de rêve pour
l’enseignant que j’étais alors.
D’autres parallèles pourraient
être établis entre les médecins et les enseignants, mais leur analyse sortirait
du cadre de cet article.
2ème raison La
médecine n’est pas une science exacte.
S’il n’y a pratiquement plus de controverses
aujourd’hui sur l’anatomie du corps et sa physiologie, il n’y a pas unanimité
loin de là quand il s’agit de se mettre d’accord sur les différents moyens pour
traiter ses dysfonctionnements. Bien sûr qu’il y a des conférences de consensus
pour se mettre d’accord, mais il y a
encore beaucoup de chemin à parcourir tant les sujets sont complexes.
Anecdote : Nous
étions dans les années 80, je venais de lancer des stages de formation auprès
des directeurs hospitaliers, sur les techniques médicales, considérant qu’ils
devaient les connaître comme des
directeurs d’usine connaissent leurs fabrications. Des médecins que j’avais sollicités pour
animer ces stages m’avaient posé une condition : qu’il n’y ait pas de
médecins dans la salle ! Il faut dire qu’à cette époque pour ne prendre
qu’un seul exemple, certaines écoles de chirurgie prônaient l’ablation
totale du sein en cas de tumeur et que d’autres y étaient opposées. Je suis intervenu dans un établissement où
les deux écoles étaient représentées, l’une par les chirurgiens, l’autre par
les gynécologues, je laisse au lecteur deviner l’ambiance.
3ème raison La
mauvaise utilisation des statistiques
Les médecins, en particulier,
fondent leurs raisonnements sur des statistiques obtenues par la recherche
médicale. L’utilisation de méthodes statistiques erronées biaiserait de
nombreux résultats, jusqu’à 80% pour certains auteurs.
Prenons seulement l’exemple de
la vitamine C que des études sérieuses avaient conclu à son efficacité contre
le cancer et d’autres études tout aussi sérieuses dont les conclusions étaient
diamétralement opposées. Il est vrai que
n’avait pas été tenu compte du dosage !
Tout est dans le dosage…
Il y a de nombreux biais, je
n’en citerai que 5 :
-
Sélection des personnes sondées.
-
Techniques de mesure.
-
Publications, appelées biais d’auto complaisance
qui diffusent largement les données quand elles sont favorables aux thèses de
leurs auteurs. Ce qui relève de la malhonnêteté intellectuelle. J’en reparle
plus avant.
-
Interprétations comme les erreurs d’analyse des
résultats.
-
Spectre en médecine où un test diagnostique peut
offrir une sensibilité variant en fonction de la gravité de la maladie.
Plus de 500 000
communications scientifiques non redondantes sont publiées chaque année dans
les journaux médicaux et nous pouvons nous demander combien sont réellement pertinentes.
4ème Raison La
psychologie de l’erreur de jugement à laquelle les médecins n’échappent pas.
Nous recherchons, même parfois
inconsciemment, des éléments de preuve qui renforcent notre point de vue, et
nous passons sous silence des informations qui le contredisent. Plus grave, nous essayons de réfléchir le
moins possible et nous allons parfois jusqu’à modifier nos perceptions jusqu’à ce
qu’elles coïncident avec celles du groupe auquel nous appartenons. Comme Julien BENDA le dénonçait dans « La
trahison des clercs », l’engagement dans une cause quelle qu’elle
soit amène certains, généralement très médiatisés, à être de mauvaise foi.
J’ajouterai une raison
supplémentaire.
5ème Raison L’attirance
pour la célébrité
Les médecins comme d’autres,
notamment les hommes et femmes politiques, ne savent pas résister à l’appel de
la célébrité, fusse-t-elle que de quelques minutes sur une antenne de radio ou
de télévision quand un journaliste veut les interviewer. Au lieu de dire : je
ne sais pas, ils improvisent une opinion sans fondement sérieux, si possible un
peu originale pour faire le buzz, comme on dit.
Il est bon de rappeler en
conclusion les quatre adversaires des progrès de la science aujourd’hui
malmenée, contestée par beaucoup de nos concitoyens et que dénonçait le Professeur
Jean BERNARD :
L’argent qui pervertit ceux qui
le chérissent, l’ignorance quand elle est volontairement entretenue et les
dogmes et la magie quand on s’ y réfugie. J’ajouterai l’orgueil des hommes qui ne
veulent pas reconnaître qu’ils ont tort.
J’aurais l’occasion de revenir
sur certains de ces thèmes dans le chapitre que je consacrerai ultérieurement à
l’Honnête homme, médecin.
·
Les Editions IFRHOS :
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