J’avais fait connaissance
avec ma nouvelle cliente, Madame Fichter à Paris au Ritz, place Vendôme où elle
était descendue. Elle était propriétaire d’une clinique à
Papeete et d’une officine de pharmacie et auprès de qui j’avais été recommandé
par un ami, André Castaldo, avocat et Professeur de droit à la Faculté d’Assas
qui intervenait dans les séminaires d’Ifrhos. Elle recherchait un directeur et
accessoirement un repreneur.
Cela
avait été une séance de travail agréable avec une belle femme, typée,
quarteronne (sa grand-mère était tahitienne, ponctuée par un repas pris sur
place. Repas très léger, ma commensale n’ayant pas encore récupéré du décalage
horaire (12 heures), avait peu d’appétit, je m’étais donc senti obligé de très
peu manger, comme elle.
A mon arrivée à Papeete au petit matin, je suis
accueilli par sa fille, Carole, elle est grande comme me l’avait décrite sa
mère au téléphone, mais pas autant que je me l’imaginais, la peau très blanche
et les yeux clairs. Comme le veut la tradition, elle accroche à mon cou un
collier de fleurs et m’embrasse. Je ne suis pas rasé et j’ai un peu honte. A
Los Angeles, où nous avons fait escale, pendant une heure, j’avais vu dans les
toilettes, des hommes se raser, mais je ne les avais pas imités.
Au volant d’une Jaguar à boîte automatique,
elle me conduit à mon hôtel, le Beach Comber Park Royal. Très bel établissement
situé en bord de mer à une dizaine de kilomètres du centre de la ville où se
trouve la clinique. Ma chambre est claire, spacieuse et confortable. Deux
heures après, durant lesquelles j’ai eu juste le temps de défaire ma valise,
ranger mes affaires personnelles, faire ma toilette et prendre mon
petit-déjeuner, Carole vient me chercher et me voyant avec ma veste et ma
cravate se moque gentiment de moi :
“ Ici les hommes ne
portent ni veste, ni cravate “. Je
n’ai plus qu’à retourner dans ma chambre pour y déposer mes vêtements
superflus, non sans avoir fait admirer ma cravate, fort belle et chatoyante à
Carole et aux hôtesses de la réception de l’hôtel.
Mon amphitryon a troqué la Jaguar contre une
voiture plus petite et plus commune, une Ford je crois, qui sera ma voiture
pendant tout mon séjour et me permettra d’être autonome. L’engin est équipé
d’une boîte automatique (à croire que c’est une spécialité des Iles, car déjà
sur l’Ile de Saint Martin, nous avions mon épouse et moi, une Toyota à boîte
automatique), à laquelle j’aurai quelques peines à m’habituer les premiers
jours, surtout les premiers soirs (la nuit tombe très tôt, vers cinq heures
trente, nous sommes en hiver à cette époque dans l’hémisphère sud). J’aurai
l’occasion dans un prochain Blog de narrer mon voyage dans les Caraïbes pour y
étudier la construction d’une clinique.
Je suis un peu déçu par la visite de la
clinique, dont le bâtiment est correct, il a été construit en front de mer il y
a une quinzaine d’années, mais l’organisation et l’entretien laissent quelque
peu à désirer. Ce qui m’a le plus étonné a été le bloc opératoire, où à
l’entrée, se mêlaient des malades sur leur brancards en attente d’être opérés
et d’autres qui venaient de l’être. L’après-midi, je vais me reposer à l’hôtel
et faire connaissance avec l’une de ses piscines. Celle située en face du
restaurant. Après le déjeuner, je m’installe sur une chaise longue, le visage
en plein soleil pour atténuer les effets du décalage horaire. C’est parait-il
efficace ! J’en doute comme la mélatonine. J’ai quand même essayé. Quand
je me suis allongé, le soleil se trouvait à droite d’un palmier près de la
piscine. Comme le soleil se déplace habituellement de gauche à droite, j’ai
pensé qu’il allait s’éloigner de l’arbre et continuer à m’éclairer, mais dix
minutes plus tard, je me trouvais à l’ombre. Le soleil s’était déplacé non pas
sur la droite, mais sur la gauche. J’en déduis alors que je me trouvais en
plein nord, étrangeté que j’ai fait partager à mes hôtes le soir même où
j’étais invité chez eux.
La famille Fichter habite une grande maison en
plein centre-ville ouverte sur l’océan. Une enfilade de salons et de salles à
manger débouche sur une piscine, à quelques mètres seulement du quai où est
amarré un bateau en biais, de telle sorte qu’on peut l’admirer sur toute sa
longueur. Il a plusieurs cabines et un poste de pilotage haut perché comme le
haut d’un mirador. Je ne l’ai pas visité. Son propriétaire, Charles Fichter, le
mari, médecin généraliste de son état, alsacien d’origine, a voulu m’emmener durant
la semaine faire un tour pour une partie de pêche au gros, mais comme la nuit
tombe très vite, je n’ai pas pu accepter, j’avais beaucoup trop de travail et
je n’étais pas venu pour faire du bateau. Outre Charles Fichter, je faisais la
connaissance du fils, Stéphane, 27 ans qui en attendant d’obtenir un permis de
travail en Australie, fait du contrôle de gestion à la clinique.
Les murs de la maison sont recouverts de
bandeaux en bois peints en blanc comme les maisons canadiennes qui me rappellent
celles dont je me suis occupé en 1967.
Chaque matin, je me lève à 6 heures moins le
quart. Je me fais chauffer du thé grâce à une bouilloire électrique et aussitôt
ma tasse avalée, je quitte ma chambre en maillot de bain, une serviette autour
du cou, pour aller nager dans la mer au pied de mon immeuble. Quand j’en
franchis le seuil, j’ai une sensation agréable et inattendue à cause de la
température plus élevée que celle de ma chambre climatisée. Après avoir
effectué quelques brasses dans une eau transparente fraîche et peu salée, je
remonte dans ma chambre, bois le thé qui reste encore chaud et je fais ma
toilette. Après quoi, je vais prendre au restaurant un copieux petit-déjeuner,
puis au volant de ma Fiesta, je crois que c’est une Fiesta, je me rends à la
clinique pour effectuer un travail d’audit approfondi, il est 7 heures et quart
environ.
Le samedi après-midi, Charles me fait faire le
tour de l’ile de Tahiti, au volant de son pickup après avoir déjeuné avec sa
femme et ses enfants dans un restaurant en bord de mer. Nous nous arrêtons au
Musée de Polynésie et au Musée Gauguin, lequel n’a pas les moyens d’exposer
beaucoup d’œuvres du peintre. La visite de ces deux musées peu fournis est rapidement
faite. Seules quelques sculptures en bois sont exposées.
Le mérite pour moi de cette balade est de faire
connaissance d’un homme agréable, attachant qui a fait siennes cette terre et
cette mer de Polynésie. Il voudrait que ses enfants restent à Papeete et pour
cela qu’ils s’occupent de la clinique. Mais ses enfants rêvent d’Australie pour
le garçon et de Paris pour la fille. Les grands espaces pour l’un et la vie
culturelle et mondaine pour l’autre, tout ce que n’offre pas la Polynésie.
Médecin, il a appris à aimer les malades et
ceux-ci le lui rendent bien. Je l’ai constaté lorsqu’il m’a fait visiter
l’hôpital public de Mamao (un quartier de Papeete). Nous avons fini le tour de
l’île. Juste avant, il m’avait emmené découvrir un grand hôtel qui surplombe la
mer dont la vue est superbe, mais qui depuis son ouverture marche mal. J’ai
immédiatement formulé mon diagnostic. Quand un touriste a fait 18 000
kilomètres en avion pour voir la mer, il n’accepte pas qu’elle ne soit pas au
pied de sa chambre. Les clients de cet hôtel, pour se rendre à la mer, doivent
emprunter un chemin escarpé, long et dangereux.