mardi 29 juillet 2025

Mon voyage au Burkina Faso, suite

 


 

Le jeudi matin, en compagnie de nos amis Renard, nous avons quitté Ouagadougou pour la Kompienga, située dans le sud-est du pays, dans un 4 x 4 Toyota flambant neuf et conduit par le chauffeur de Jean-Baptiste, ainsi qu’une 604 par l’Etat, en sa qualité d’ancien Président de la République.

Une fois quittés les faubourgs de la ville, nous nous retrouvons dans ce qui est appelé la brousse, la campagne africaine. De chaque côté de la route rectiligne et correctement bitumée, s’offre à nouveau un spectacle plaisant. Des arbres disséminés çà et là, parfois majestueux comme les fameux baobabs et les manguiers appelés arbres à palabres, sous lesquels les habitants des villages viennent parler, au milieu de hautes herbes et d’arbrisseaux. Ainsi, régulièrement, on découvre des champs de petit mil et de gros mil, appelé sorgho, nourriture quasi exclusive des habitants. Le long de la route, circulent à pied, en vélo, en vélomoteur, sur un âne ou dans une charrette tirée par un âne, des hommes et des femmes qui transportent du bois, du mil, qu’ils viennent de récolter, des poulets, des chèvres qu’ils attachent en paquet sur le porte-bagages de leur mobylette ou pour les femmes, posés en équilibre sur leur tête ! De temps à autres, on aperçoit un village composé de huttes aux toits recouverts de chaume. Nous sommes en pays mossi, l’ethnie dominante du pays dont font partie les Ouadreago.

L’hôtel de la Kompienga, situé près du barrage hydroélectrique à la sortie d’un village est composé de huttes disséminées autour d’une piscine. Nous en sommes les seuls clients. L’une d’entre elles nous est affectée. Elle est composée de deux chambres, d’un salon et des sanitaires. C’est celle qui n’est pas en réparation et dont la climatisation fonctionne, nous disent les gérants, un jeune couple de corses, pour justifier cette attribution qui crée une promiscuité avec des gens que nous ne connaissons pas intimément. Pour faciliter le partage des WC et des toilettes composés d’un lavabo et d’une douche sommaire, chaque matin, nous nous sommes levés, Annick et moi, aussitôt que le petit-déjeuner était servi, vers 7 heures 30 et avons attendu au bord de la piscine que nos amis se soient préparés avant de venir à leur tour prendre leur petit-déjeuner.

A notre arrivée, j’avais été également contrarié par l’absence de téléphone, ce qui nous avait obligés en fin d’après-midi, alors que la nuit tombait déjà, à partir avec le chauffeur chercher un téléphone public pour pouvoir rassurer notre fils Jean-Philippe d’un naturel inquiet. Nous avons dû parcourir une dizaine de kilomètres au moins entre chiens et loups, une route littéralement envahie par des vélos, des charrettes, des piétons qui profitaient du début de la fraîcheur. Le chauffeur qui roulait à vive allure, slalomait entre tous et les frôlait souvent, au risque de les renverser. Les Dubois, qui connaissaient bien le pays nous avaient conseillés de ne pas nous arrêter si nous avions un accident, mais de nous rendre immédiatement au premier poste de police. J’étais donc inquiet, d’autant plus que les qualités du chauffeur de Pierre n’étaient pas irréprochables. Il roulait souvent sur la partie gauche de la route et dans certains virages, je priais le ciel qu’il n’y ait pas de voiture qui arrive en face. Il est vrai que les voitures sont plutôt rares, mais il y a de temps en temps des camions qui se rendent au Benin et au Togo ou en viennent et aussi des autocars, qu’on appelle des « occasions ». Ils s’arrêtent pour déposer un voyageur ou pour en prendre un autre assis sur le bord de la route, depuis plusieurs heures parfois. Ils n’ont donc pas d’horaires précis.

Nous trouvons enfin un poste public en contrebas de la route qui nous a été indiqué par des policiers que nous sommes allés interroger. Il fait complètement nuit. Le responsable du poste part à la recherche d’une bougie pour éclairer l’intérieur composé d’une table sur laquelle se trouvent un combiné et d’une chaise. Sur le mur d’en face de l’entrée est accroché un cadran sur lequel s’inscrit le prix de la communication. J’appelle Jean-Philippe à l’hôtel La Charpinière, mais il n’y est pas, alors après avoir bavardé un instant avec le réceptionniste de l’hôtel, je ne peux pas faire moins, j’appelle à la maison où je le joins et je luis passe alors sa mère. Mais la communication coûte cher et je n’ai plus assez d’argent. Je ressors du poste pour emprunter de l’argent à Pierre qui a quitté le 4 x4 et s’est volatilisé dans la nuit. Je commence à paniquer. Pas de chauffeur, pas de voiture (c’est lui qui a les clés), plus d’argent en pleine nuit au milieu de gens que je ne connais pas et Annick qui continue de téléphoner à son fils en lui demandant pour la troisième fois si tout va bien essayant de déceler s’il ne ment pas en se laissant trahir par sa voix.

Je retrouve Pierre qui était parti s’acheter une pastèque. Il me prête l’argent et nous pouvons enfin rentrer à l’hôtel.

Le lendemain, le gérant de l’hôtel au volant d’un vieux 4 x 4 de couleur sable, nous emmène après le petit-déjeuner, visiter un village de pêcheurs situé à trois kilomètres de l’hôtel près du barrage. Les hommes du village veulent nous emmener faire un tour de pirogue. Ce doit être une tradition et un moyen pour eux de gagner quelques francs. Une fois tous les quatre montés, avec un rameur devant et un derrière, l’embarcation s’enfonce dangereusement et l’eau commence à entrer. Les Renard, prudemment nous quittent et montent sur une autre pirogue, non sans provoquer un tangage périlleux des deux embarcations, sous les rires des chefs d’embarcation et des enfants restés sur la rive. C’est sûrement très drôle pour des noirs de voir quatre blancs chahutés sur les eaux.

Nous nous éloignons rapidement de la rive, sous l’impulsion de nos rameurs qui veulent faire une course, mais nous ne sommes pas très rassurés et leurs demandons d’écourter la balade. Nous sommes ensuite accueillis au village des pêcheurs. On nous offre le thé, un peu trop sucré et des galettes. Notre ami Renard, contrarié par notre escapade maritime ne participe pas aux agapes. Il gardera la chambre, malade, ne mangeant rien (on nous avait préparé à l’hôtel un excellent poisson grillé, un capitaine dont il ne profitera pas.

mardi 15 juillet 2025

Au sujet du mensonge

 

Comme le lecteur le sait, s’il lit régulièrement mon Blog, je suis très préoccupé par le sujet, presque obsédé car je suis viscéralement réfractaire au mensonge, je suis incapable de  mentir, et j’ai bien conscience des dangers qu’il peut provoquer. Professionnellement, cela m’a mis parfois dans des situations embarrassantes.

Je l’ai déjà traité plusieurs fois et je l’ai regroupé dans un chapitre de mes Chroniques d’une décennie intitulé : Les mensonges *, mais je tiens à en reparler car la situation ne fait, hélas, que s’aggraver.

Le mensonge aujourd’hui en 2025 s’est développé d’une manière exponentielle avec ces nouveaux vecteurs que sont les algorithmes et l’intelligence artificielle, sous forme notamment de désinformation au service des plateformes comme X Twitter, utilisés par tous ceux qui veulent nous manipuler et nous arrivons alors à nous demander qui croire !

Comme disait la grande philosophe Hannah Harendt à l’époque du nazisme “Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges, mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui  ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion, il est privé non seulement de sa capacité d’agir, mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple vous pouvez faire ce qu’il vous plaît“

Le mensonge d’Etat a toujours existé et pour ne remonter qu’ à la Révolution Française, nous pouvons citer :

-La Grande Peur, vague de panique provoquée par des fausses rumeurs sur des brigands envoyés par des nobles réactionnaires s’apprêtant à piller les villages pour rétablir la monarchie absolue.

-Le soi-disant complot de prisonniers royalistes qui cherchent à s’emparer de la Capitale et seront exécutés par une foule en colère.

Durant la dernière guerre, la propagande nazie dont parle Hanna Harendt fut omniprésente et le régime communiste, dont parle Soljenitsyne ci-après, qui a cohabité et pris sa suite s’est bâti sur le mensonge selon le principe marxiste que la fin justifie les moyens, tous les moyens, s’entend. C’est pourquoi quand Monsieur Poutine, ancien du KGB s’exprime, nous ne pouvons pas le croire un instant sauf à deviner les messages qu’il veut faire passer et à qui ils sont destinés. Et quand son principal interlocuteur aujourd’hui prend la parole, monsieur Trump, menteur pathologique, on n’apprend jamais la vérité. Aux journalistes spécialistes de nous en révéler le sens caché s’ils sont, bien entendu, objectifs, ce qui est loin d’être toujours le cas et j’en parle longuement dans Les Chroniques d’une décennie 2014 2024**. J’ajoute que Monsieur Trump a été élu tout simplement parce que les américains étaient mal informés comme l’explique l’historien Ran Halevy dans son livre Le chaos de la démocratie américaine *** dont je conseille vivement la lecture.

Mais nous simples citoyens, à part nous lamenter, que pouvons-nous faire ?

-         Tout d’abord ne pas transmettre une information si on n’est pas sûr qu’elle soit exacte ou au mieux la transmettre au conditionnel.

“ Je n’ai pas la force, tout petit individu que je suis, de m’opposer à l’énorme machine totalitaire du mensonge, mais je peux au moins faire en sorte de ne pas être un point obligé du mensonge“ Alexandre Soljenitsyne.

Car comme dit cet autre grand esprit Albert Einstein :“Le monde est dangereux à vivre non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire“ Ceux qui font le mal, ce sont ceux dont l’arme est notamment le mensonge et ceux qui laissent faire sont ceux qui se taisent.

-        Ensuite en dénonçant systématiquement les propos (pas les personnes) inacceptables, notamment ceux des responsables politiques, dans les moyens d’expression dont nous disposons comme ici mon Blog et oser parler de mensonge au lieu de contre vérité et ne pas dire de quelqu’un qui est insincère, mais tout simplement menteur.

-        Sans oublier la leçon de Socrate plus vivante que jamais. “Avant de parler, pesons nos mots avec sagesse. Si nos paroles ne portent ni vérité, ni bonté, ni utilité, ne vaudrait-il pas mieux les taire ? Apprenons à construire un monde où les mots soignent au lieu de blesser, éclairent au lieu d'obscurcir, et élèvent au lieu d'avilir.“

C’est peu, je le reconnais, mais comme le colibri dont je parle dans mon Blog  Soyons tous des colibris **** nous pouvons alors nous dire que nous avons fait notre part.

* Pages 137 à 152

**Les journalistes et l’information, pages 153 à 179 

*** Aux éditions Gallimard

**** Chroniques d’une décennie page 31

 

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mardi 1 juillet 2025

Mon voyage au Burkina Faso

 

Je connaissais l’Afrique du Nord, l’Algérie où j’avais effectué mon service militaire à Tlemcen et Oran, la Tunisie en touriste à Djerba, Hammamet, Nabeul et Carthage, le Maroc en touriste à Marrakech et Agadir ainsi qu’en voyage d’affaires à Casablanca, mais je ne connaissais pas l’Afrique Noire. Je l’avais seulement fréquentée avant de  trouver le sommeil et où je m’imaginais aider la population  à lutter contre la désertification.

Le Burkina Faso, c’est l’ancienne Haute Volta de l’Afrique Occidentale Française, un des pays les plus pauvres du monde où mon épouse et moi parrainions depuis plusieurs années une jeune fille, Gisèle, qui avait alors 16 ans. Ce qui nous avait décidé pour lui rendre visite, avait été le voyage organisé par l’un de mes clients, Patrick Renard, directeur de la clinique Trenel à Sainte Colombe les Vienne, qui parrainait, de son côté, une clinique à Ouagadougou, la capitale du pays, construite et gérée par le Docteur Jean-Baptiste Ouadreago, pédiatre et ancien Président de la République. (Parrainer veut dire surtout financer, mais en l’occurrence, c’est aussi permettre à des chirurgiens français d’y opérer).

A Roissy, nous rejoignons le directeur de la clinique et sa compagne Patricia. Puis, nous embarquons dans un Airbus d’Air France pour Ouagadougou. Il est 13 heures environ. Nous avons emmené avec nous une trousse bourrée de médicaments et mes provisions de lecture constituées des livres que j’avais achetés à la Fête du Livre de Saint-Etienne. Après avoir pris le champagne et déjeuner agréablement – les repas sur Air France sont en général très corrects – nous avons pu à travers le hublot, admirer les différents aspects du Sahara que nous survolons. Après cinq heures de vol, nous atterrissons sur la piste de Ouagadougou. Il fait déjà nuit. Une fois récupéré avec quelques difficultés nos valises, l’une d’entre elles s’était égarée, des amis de Patrick Renard, les Dubois, arrivés depuis déjà une semaine au Burkina, nous attendaient et grâce à un pourboire judicieux, le premier d’une longue liste, nous évitant le contrôle de la douane et la fouille des bagages.

Après une course à travers la ville très faiblement éclairée et longé un barrage, une des trois retenues d’eau que possède Ouagadougou, nous arrivons chez les Ouadreago, accueillis par Jean-Baptiste et sa femme Bernadette, chez qui nous dînons, non sans avoir au préalable, récité le Bénédicité. Il y avait bien longtemps que cela ne m’était pas arrivé.

Il est 10 heures environ quand nous rejoignons nos hôtels, les Renard au Sofitel qui se trouve près de la clinique et nous à l’hôtel Indépendance, plus éloigné, mais plus proche du centre-ville, que j’avais choisi surtout à cause de ses tarifs moins élevés. Le confort est plutôt celui d’un hôtel une étoile en France, l’ameublement est rustique, mais il est correctement climatisé et son réfrigérateur fonctionne, ce qui est essentiel en Afrique.

Le lendemain, après nous être reposés, nous sommes allés à la piscine de l’hôtel, mais il faisait très chaud même à l’ombre, l’eau était tiédasse et nous nous sommes réfugiés assez vite dans notre chambre. Nous avons risqué quelques pas dans la rue, mais avons rapidement abandonné la partie, la chaleur (nous nous étions heureusement protégés avec des chapeaux à larges bords) étouffante, aggravée par la poussière, une poussière rouge, de la latérite que soulèvent le vent et les innombrables véhicules qui sillonnent la ville et la rendent parfois irrespirable.

Heureusement, avec la nuit arrive la fraîcheur. Le soir, Bernadette, après s’être rendue à sa messe quotidienne à l’ église, est venue nous chercher pour dîner. Les jours suivants, nous avons visité la clinique de nos nouveaux amis, rencontré tous les médecins qui y travaillent et avons constaté qu’il leur manquait encore beaucoup de matériel. Nous avons visité également le SIAD, Salon International de l’Art Africain qui se tient tous les deux ans et qui justifie la date de notre voyage.

Beaucoup de pays africains exposaient et les vendeurs nous abordaient pour nous montrer leurs productions, avec beaucoup d’insistance parfois, comme dans les souks arabes. Mais notre visite, agréable, colorée, gaie était un peu gâchée par la chaleur. Nous avons aussi visité un orphelinat dont s’occupent les Dubois, ainsi que Mireille Debiesse, l’épouse d’un des chirurgiens de la clinique Trenel qui vient opérer ici gratuitement. Mireille Debiesse qui continue aujourd’hui encore à aider cet orphelinat.  Les Dubois que j’ai vite surnommés les Dubois-Rothschild tellement ils donnent de leur argent à plusieurs œuvres caritatives du pays et aussi de leur temps. Ils ont vécu plusieurs années au Burkina, le mari, Jean Claude était directeur d’une usine électrique et ils en sont tombés littéralement amoureux du pays et de ses habitants.