Nous
sommes en 1960, les vacances scolaires viennent de commencer. Etudiant en
deuxième année à l’ESCL, devenue EM LYON, je dois effectuer un stage à Milan
durant l’été dans une Compagnie d’Assurance, l’Allianza Assicurazione du groupe
Trieste et Venise. Celui où Franz Kafka avait été employé à Prague au début du
siècle. Je dis tout de suite que je ne m’y suis pas du tout ennuyé comme l’auteur
du Procès, ainsi que le lecteur s’en apercevra. Ce stage est organisé par la
Populaire, Compagnie française d’Assurance Vie, dont je gère un portefeuille
d’encaissement sur Villeurbanne. Pour l’anecdote, il m’arrive de faire ma comptabilité pendant
le cours de droit commercial qui ne me passionne pas, dissimulé derrière le dos
d’un camarade et d’être réprimandé par mon voisin qui lui n’a pas de problème
pour financer ses études. Je me rends
régulièrement chez les assurés pour recueillir leurs primes et il m’arrive que
l’on m’offre à boire, les habitants sont
très avenants comme les stéphanois - une étude récente l’a montré – et que je
reparte sans avoir récupéré leur argent. Je me déplace en Vespa, un scooter
bleu à selle rouge, un peu trop voyant à mon goût, qui a remplacé
avantageusement mon vélosolex, que j’ai acheté à un camarade de lycée. C’est
avec lui que je décide de me rendre en
Italie, au moins jusqu’à la frontière. En écrivant ces lignes, je revois les
beaux yeux vert émeraude de sa petite sœur pour lesquels j’avais failli me
noyer. Nous nous étions rendus en barque, des camarades et moi en vacances à
Bandol, sur l’île de Bendor appelé aussi l’île Ricard, et plusieurs d’entre
nous, dont la petite sœur, avaient
décidé de revenir à la nage. Je
n’hésitais pas un instant à l’accompagner, mais je n’étais pas un bon nageur et
l’arrivée sur le rivage de Bandol m’avait paru interminable.
Je
reviens à mon voyage après avoir demandé au lecteur de m’excuser pour cette
légère digression. Après avoir emprunté la départementale D 86 sur la rive
droite du Rhône, moins fréquentée que la nationale 7 - sur 2 roues, il vaut
mieux ne pas risquer de se faire accrocher - , j’effectue une halte à Saint-Julien-de-Peyrolas, près de Pont Saint Esprit, chez un camarade
de promotion qui exploite avec sa mère une entreprise de travaux publics. Le
lendemain après-midi, je reprends la route en direction de Nice après avoir
traversé le Rhône, bien reposé, les cheveux au vent - nous ne portions pas de
casque à cette époque - comme Grégory Peck et Audrey Auburn dans Vacances
romaines, mais à la nuit tombée, alors que je me trouve à la hauteur d’Aix en
Provence, je commence à me sentir mal à l’aise, j’ai un peu froid, la route est
mal éclairée, la circulation automobile très faible, mais je ne me sens pas
totalement en sécurité. Je décide, arrivé à Brignoles, de rejoindre le plus
vite possible le bord de mer. Après avoir longé le Massif des Maures, sombre et
inquiétant, à toute vitesse je débouche sur une place d’ Hyères en fête où une
piste de danse a été dressée. Je m’arrête, soulagé. Je dresse mon scooter sur
sa fourche avec sur le siège arrière ma petite valise, puis je fais quelques
pas pour me dégourdir les jambes et finir de me réchauffer. Je n’ai pas vraiment
envie de danser et surtout je n’en ai pas le temps car la route par le bord de
mer qui m’attend jusqu’à Nice est longue.
Dans des
localités encore animées que je traverse, je mets pied à terre pendant quelques
minutes puis je quitte Saint Raphaël tandis que le jour se lève et je franchis l’Esterel
rougeoyant sous les premiers rayons du soleil avant de redescendre sur Theoule et retrouver la mer. Moment inoubliable qui à lui seul justifie mon
voyage.
A Nice je laisse mon scooter
dans un garage de la ville puis je prends le train pour la capitale lombarde.
Ma première surprise
Dans ma voiture a pris place un groupe
de jeunes sportifs espagnols qui échangent
gaiement, sans difficulté, avec d’autres voyageurs italiens dans un sabir italo-espagnol.
Moi, je me tais, incapable de parler alors que j’ai dans la tête un
dictionnaire franco-italien fourni et toutes les formules grammaticales
souhaitables. Depuis le lycée, j’ai choisi la langue de Dante comme première
langue et mes excellentes notes m’ont parfois bien aidé pour réussir mes
examens. Deux mois plus tard en quittant Milan, je devrais montrer ma « tessera »
, ma carte d’identité, pour prouver que je ne suis pas italien.
Je crois que je ne dois pas
être le seul à avoir connu cette
expérience douloureuse du passage de l’écrit à l’oral. Passage qui heureusement
ne dure pas longtemps.
Nota Bene A lire
la suite de mon voyage dans un prochain Blog où je parlerai d’autres surprises
et notamment celle du dottore Mazenod.