dimanche 19 janvier 2020

L'Honnête homme et l'Argent



 « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche de rentrer dans le royaume de Dieu. »

Par ces paroles volontairement excessives, voire caricaturales, le Christ a voulu seulement mettre en garde les riches pour qui,  dans leur rapport à l'argent, il leur est très difficile  d’être des Honnêtes hommes. 

Quand nous parlons d’argent, nous devons distinguer la provenance de l’argent qu’on possède et la destination qu’on lui donne, c’est-à-dire son utilisation.
Nous verrons dans une première partie la provenance de l’argent.
Les trois sources principales sont : la rémunération du travail, le rendement du capital et les héritages. Nous ne citerons que pour mémoire, les revenus et les biens d’autrui, parents et conjoints, dont on profite et qui dans certains cas peuvent ne pas être négligeables.

La rémunération de son travail
Examinons tout d’abord les notions de juste salaire et de salaire excessif sachant que nous entendons par salaire tous les revenus tirés de son activité, revenus qui peuvent être très variés.

Le juste salaire
Il relève surtout de la sociologie : l’appréciation par un individu de sa rémunération est, en grande partie subjective, fondée sur des critères qui lui sont propres. Des enquêtes ont montré qu’une part non négligeable des salariés, surtout chez les ouvriers, se considéraient comme mal rémunérés quand ils se comparaient avec d’autres collègues et d’autres professions. Les personnes qui veulent comparer leur salaire avec ceux de leur entourage, que ce soient leurs collègues de travail, leurs amis ou les membres de leur famille auraient tendance à être moins heureux et être plus sujettes à des dépressions. Tel est le résultat d’une enquête de l’école d’économie de Paris auprès de 19 000 personnes dans 24 pays. La comparaison la plus douloureuse semblerait être celle faite avec les camarades d’Université.
L’Honnête homme, n’étant pas masochiste, se gardera donc bien de chercher à savoir ce que peut gagner son entourage.

Le salaire excessif
Pourquoi juger qu’un salaire est excessif ?
Parce qu’il ne faut jamais l’oublier, que :
1/ L’argent, c’est la peine des autres. L’argent, qu’il soit sous forme de terres, de constructions, de fonds de commerce, de titres, de lingots d’or ou de bijoux, a été produit à la sueur d’hommes et de femmes qui, le plus souvent, n’en ont pas été suffisamment récompensés, quand ils n’ont pas été  honteusement exploités. C’est pourquoi l’argent de doit pas être aimé, mais respecté.
2/ L’argent trop versé à un individu, généralement un patron, mais cela peut être un sportif par exemple, l’est au détriment de l’entreprise dans laquelle il travaille, de ses employés et de ses actionnaires éventuellement.
Souvenons-nous qu’Henri Ford, le capitaliste, constructeur de la première automobile estimait que le salaire de l’ouvrier et celui de son patron devait être de 1 à 10, tout comme Georges ORWELL, le défenseur des pauvres, l’auteur de 1984 et de la ferme des animaux qui proposait d’instaurer une échelle des salaires de 1 à 10, plafond au-dessous duquel se trouve la plupart des patrons de PME françaises dont les salaires ne sont pas supérieurs à 10 fois le SMIC. Cependant sous l’effet conjugué de l’instauration des stocks options, des parachutes dorés et de l’explosion des marchés financiers, l’écart ces dernières années est passé de 1 à 600, voire à 1300 dans les grandes entreprises. Beaucoup plus grave encore le cas de ces patrons qui ont mené leur entreprise à la faillite et touché des rémunérations faramineuses.
-        Greed is good ! La cupidité est bonne, lance Michael DOUGLAS, alias Gordo GEKKO, aux dirigeants d’une entreprise qu’il vient de racheter*
Cette cupidité peut s’expliquer par l’acception psychanalytique suivante :
La soif d’argent ne serait qu’une façon de satisfaire ses pulsions érotiques et se détourner de la mort. Une autre explication est plus simplement le mimétisme et la vanité d’être le meilleur, du moins le plus riche. Un mimétisme de rivalité comme l’appelle René Girard**
Pour devenir un Honnête homme, un émule de GEKKO, devrait se faire soigner, je ne sais pas où et par qui. Mais, comme il existe des cliniques qui soignent les addictions à l’alcool, d’autres au sexe, il devrait y avoir des cliniques qui soignent la cupidité.

Nous devons distinguer 2 cas : celui où le salaire est fixé par soi-même et celui où il l’est par autrui, généralement le patron.

Salaire fixé par lui-même

Celui de l’Honnête homme doit rester dans une fourchette raisonnable que nous avons vue précédemment. Cependant, à moins d’améliorer la rémunération de ses collaborateurs, la modération de son salaire pourra avoir pour effet d’améliorer les résultats de son entreprise et donc la valeur de cette dernière dont il est en tout ou partie propriétaire. Il y aura alors simplement un transfert de revenus, s’il se verse des dividendes. Mais nous parlerons plus avant des revenus du capital, dividendes et plus-values.

Salaire fixé par autrui

Dans ce cas, l’Honnête ne va pas refuser son salaire au prétexte qu’il est trop élevé. Mais il se révèlera alors l’être dans l’utilisation qu’il fait de son argent, ce que nous verrons dans la deuxième partie.
Dans le prochain article, nous examinerons les deux autres sources principales de revenus, le rendement du capital et les éventuelles plus-values dégagées ainsi que les héritages.
 
*Dans le film Wall Street d’Olivier STONE
**Des choses cachées depuis la fondation du monde aux éditions Grasset
   



  

lundi 30 décembre 2019

L'Honnête homme et le travail



 CHAPITRE 3

Nous avons vu que l’Honnête homme devait :
        -        Exercer son activité dans une entreprise, quelle qu’elle soit, utile économiquement et si possible socialement,
-        Exploiter ses talents pour être, certes, le plus performant possible au service des autres, mais aussi pour sa propre satisfaction.

L’Honnête homme doit aussi exercer ses compétences et les développer dans son domaine d’activité. Pour cela, il n’hésitera pas à changer d’entreprise si cela est nécessaire et s’il en a la possibilité.
Il n’a, en effet, pas le droit de gaspiller ses compétences qui sont le fruit d’un savoir de base et d’une expérience acquise. Pourquoi ?

Son savoir
Son savoir, il l’a acquis auprès de ses parents et surtout auprès de ses professeurs, et cela grâce au budget de la Nation qui a été consacré à rémunérer ces derniers.
Il est hautement regrettable de voir, par exemple, une jeune femme qui a fait des études supérieures ne pas travailler une fois mariée. Il est vrai que cela est de moins en moins fréquent et c’est heureux. Mais il y a encore beaucoup trop souvent des erreurs d’orientation après le baccalauréat commis par ce qu’on appelle les « copsy », les conseils d’orientation professionnelle. Ceux-ci privilégiant le projet de l’élève, quand il en a un, sans s’assurer des possibles débouchés et ce qui a pour conséquence de surcharger inutilement et coûteusement les bancs de l’Université.
  
Son expérience
Il en est de même de l’expérience acquise dans les entreprises. Elle l’a été grâce souvent à l’assistance des maîtres de stage, des formateurs et aux entreprises qui ont financé ces derniers.

La formation continue
Pour conserver ses compétences et même les développer, tout au long de son parcours professionnel, il lui faut, et cela est de plus en plus vrai aujourd’hui et le sera encore davantage à l’avenir, continuer à se former. Ce qui peut empiéter sur ses loisirs et sa vie de famille et être même très contraignant pour ceux qui n’aiment pas apprendre ou n’en ont plus envie. Nous ne sommes pas égaux dans ce domaine comme dans bien d’autres et le mérite est d’autant plus grand pour ceux qui sont génétiquement et/ou socialement désavantagés.

Je voudrais ouvrir une parenthèse sur la notion de mérite. Les anglais ont la chance d’avoir à leur disposition deux termes : le déserts et le mérit. Le premier est la mesure objective de la performance réalisée, le second est l’effort produit pour atteindre l’objectif, indépendamment du fait que celui-ci soit ou non réalisé. Nous devons donc apprécier l’Honnête homme à l’aune de son « mérit » plus qu’à celui de son « déserts ».

Le travail et la retraite
A-t-on le droit de laisser dépérir ses compétences, le jour où on a décidé de prendre sa retraite et priver ainsi la Société de ce qu’elles peuvent encore lui apporter.  Comment doit agir l’Honnête homme dont les compétences sont bien entendu encore utiles ?
Les artistes et intellectuels ont l’insigne avantage de ne pas se poser la question. Ils travaillent généralement jusqu’à leurs derniers jours. J’ai beaucoup aimé la réponse du célèbre historien Marc FUMAROLI, âgé de 88 ans, qui dans une interview confesse qu’il souffre beaucoup, surtout la nuit, mais qu’il a encore deux ouvrages à sortir avant de se reposer définitivement.
Pour les autres, la réponse est moins évidente. Chacun doit rechercher comment faire bénéficier ses compétences à ceux qui en ont besoin en dehors de l’entreprise où il ne peut plus les exercer. Par exemple, les apporter à des associations d’aide à la création ou à la reprise d’entreprises qui font appel à des anciens cadres à la retraite.
Nous pouvons penser aussi à enseigner, à témoigner de son expérience par bien des manières. Je tiens à préciser que je ne m’adresse pas uniquement à des cadres.  Un ouvrier, un artisan, un agriculteur sont aussi bien concernés et même davantage car ils ont parfois beaucoup plus à transmettre qu’un juriste ou un comptable.

En conclusion de cette première partie consacrée à l’Honnête homme et le Travail, je voudrais dire que :

-La plus grande satisfaction au travail n’est pas l’obtention d’un résultat, mais le travail qui a été nécessaire pour l’atteindre. En d’autres termes, ce qui compte ce n’est pas le but, mais le chemin.
-L’expérience optimale se produit dans la grande majorité des cas quand une activité est dirigée vers un but, une activité qui représente une certaine difficulté et exige des aptitudes appropriées, un contrôle sur ses actions ainsi qu’une concentration intense, accompagnée d’une perception altérée du temps.*

Cependant cette satisfaction est loin d’être partagée par la majorité de nos concitoyens qui aspire à une retraite le plus tôt possible et s’oppose à toute réforme les obligeant à travailler plus longtemps, malgré l’allongement de la durée d’espérance de vie. C’est alors qu’intervient l’Honnête homme dans sa relation avec les Autres dont nous parlerons dans une partie exclusivement consacrée à ce thème.  

Nous verrons que selon la profession qu’il exerce et les responsabilités qui sont les siennes, l’Honnête homme doit marquer sa différence avec l’homme ordinaire. Nous examinerons successivement le cas des chefs d’entreprise, des hommes et femmes d’influence que sont les hommes et femmes politiques, des journalistes, des responsables syndicaux, des leaders d’opinion que sont les intellectuels, les économistes et autres experts, des gens célèbrent, enfin les maîtres d’école.

Mais auparavant, dans les prochains chapitres, nous analyserons le rapport parfois complexe et ambigu de l’Honnête homme à l’Argent.

 *Résultats de vingt ans de recherche du psychologue américain Mikaly Csiksentmihaly consignée dans un ouvrage «Vivre, la psychologie du bonheur »


Je souhaite à vous tous qui me faites l’honneur de me lire une bonne année 2020.





 

dimanche 8 décembre 2019

L'Honnête homme et le travail Suite


Préambule

Je tiens à préciser que l’Honnête homme n’est pas un saint paré de toutes les vertus, heureusement d’ailleurs, car mon propos n’aurait aucune raison d’être.
Ce qui distingue L’Honnête homme de l’homme ordinaire, c’est qu’il a tout à fait conscience qu’il est imparfait et qu’il doit s’efforcer de devenir meilleur.  

Nous retrouverons cette volonté d’être meilleur   dans les rapports qu’il entretient avec l’argent, avec les autres, avec sa famille, avec la Collectivité et avec l’Environnement.

Exemple :  Un consultant est âgé d’une cinquantaine d’année.  Son activité consiste à établir des audits d’organisation dont les recommandations ne sont jamais ou presque suivies par ceux qui les lui ont commandés. Il y a ainsi dans les Ministères des rayons entiers de rapports souvent fouillés et très documentés, inutiles parce qu’inexploités. Il accepte cependant de continuer, pour conserver son train de vie confortable pour lui et sa famille, sans parler de son rang dans la société et parce qu’il se sent trop âgé pour une éventuelle reconversion.
Mais comme il veut être un Honnête homme, il décidera de compléter son activité principale par une activité bénévole assurée les soirs et/ou les week-ends, qu’il poursuivra en l’intensifiant quand il sera en retraite.

Les activités bénévoles sont innombrables, de l’aide aux personnes âgées et handicapées à celle aux chômeurs en passant par l’assistance aux populations des pays dits en voie de développement.
L’Honnête homme privilégiera toujours les activités où il peut utiliser ses compétences, par exemple, un chef du personnel assistera des demandeurs d’emploi, ou un publicitaire leur apprendra à se vendre. Ce qui ne leur interdira pas de distribuer des repas aux Restos du Cœur le jour de Noël…s’ils n’ont pas de fête de famille ce jour-là.

Venons-en à la réalisation de soi.

Se réaliser, c’est s’accomplir en tant qu’individu, s’épanouir et devenir ce que l’on a toujours rêvé d’être.
C’est, certes dans un but purement égoïste que l’on veut se réaliser pleinement, mais c’est aussi un bienfait :
-Pour son entourage familial et professionnel, c’est tellement agréable de fréquenter quelqu’un de bien dans sa peau.
-Pour l’entreprise (publique, privée ou Administration) dans laquelle on travaille et qui bénéficie de notre efficience. 
La réalisation de soi suppose deux conditions essentielles pour qu’elle soit réussie : l’exploitation et la mise en valeur de ses talents, l’acquisition et le développement des compétences.

L’exploitation et la mise en valeur de ses talents

La parabole des talents
Nous retrouvons le thème à deux endroits dans la Bible, chez les apôtres Mathieu 25 et Luc 19. Jésus y relate l’histoire d’un homme qui avant de partir en voyage convoqua ses serviteurs et leu confia ses biens. Le premier reçut 5 talents, le second 2 et le troisième 1, chacun selon ses capacités et avec l’ordre de les faire fructifier. Quand il revint, il demanda des comptes à chacun de ses serviteurs. Le premier oui remit 10 talents, le second en rendit 4 et le troisième, par peur de mal faire, s’était contenté d’enterrer son unique talent. Le maître félicita les deux premiers tandis qu’il réprimanda durement le troisième et le chassa de sa maison.
Il faut entendre par « talent » non seulement de l’argent, Luc parle de « mines », nom de la monnaie grecque de l’époque et ancienne monnaie hébraïque, mais aussi des aptitudes particulières dans une activité.
Il faut retenir de la leçon du Christ ceci. Ce n’est pas en enterrant nos ressources, nos dons, nos talents et les moyens dont nous disposons que nous pourrons améliorer notre condition et celles de nos semblables mais bien en les développant et en les faisant fructifier. Certes nous ne disposons pas tous des mêmes talents à notre naissance, les serviteurs, eux aussi, n’ont pas le même nombre et pourtant le maître loue autant celui qui en a 4 que celui qui en a 10. Par contre il est très sévère avec celui qui par peur, par lâcheté, par paresse laisse son talent inexploité. Il faut bien comprendre que c’est une véritable révolution qu’apporte cette parabole.
 La valeur morale d’un être ne dépend pas des dons naturels qu’il a reçu à sa naissance, mais de ce qu’il en a fait.

On peut faire le même raisonnement pur les biens matériels, mais cela fera l’objet d’un chapitre ultérieur consacré à la relation de l’Honnête homme à l’argent.

Le regretté Laurent TERZIEFF, à un journaliste qui lui demandait si le théâtre était pour lui une vocation ou une passion avait répondu :
« Je n’aime pas l’idée de passion ou de vocation. Je crois simplement qu’il faut se regarder dans la glace et se demander :
 Est-ce que j’ai un don ? Que puis-je apporter aux autres ?

Pour éviter de gaspiller ses propres talents, il faut encore les connaître, être sûrs de leur valeur et savoir les développer.
Normalement, c’est à l’école et à sa famille de les lui révéler, au temps du service obligatoire, ce pouvait être l’armée, et de l’encourager, voire aider à les développer. L’entreprise peut dans certains cas y contribuer.  Comme disait Alphonse Allais :
 « Il ne suffit pas d’avoir du talent, il faut encore savoir s’en servir ».

Nous verrons dans le prochain article toujours consacré à l'Honnête homme et le travail  :
L’acquisition et le développement des compétences