Antoine Pinay
J’ai failli le rencontrer, mais le jour où j’avais prévu de le voir quand il est venu à la Charpinière, accompagné de sa sœur qui ne le quittait pas, je n’avais pas pu, au dernier moment, me libérer. J’aurais pourtant aimé échanger avec lui dont on m’avait rapporté que, parlant de mon livre La Loire en Péril*, il aurait dit : “C’est Mazenod qui a raison“ d’autres responsables politiques à l’époque avaient réagi très différemment comme le Préfet de La Loire de l’époque Paul Camous qui s’était écrié en réunion, brandissant mon livre “Ne l’achetez pas, je vous prête le mien ! “.
La dernière fois qu’il est venu à la Charpinière, peu avant sa mort, il avait plus de 90 ans, il était très diminué physiquement, mais un témoin m’a rapporté que lorsqu’ il a vu mon épouse, son regard s’était éclairé, justifiant ainsi sa réputation pour son goût prononcé pour les femmes, surtout quand elles étaient jolies. En écrivant ces lignes, je pense à la maxime de Chamfort “ Le châtiment de ceux qui ont beaucoup aimé les femmes, c’est de les aimer toujours“.
François de Grossouvre
Je l’ai connu à l’époque de la SIATLI dont j’ai parlé dans l’article précédent. Médecin, époux de la fille des sucres Berger, il était un ami très proche de Mitterrand et alors que ce dernier était Président de la République, il se serait suicidé à l’Elysée ; version contestée, je crois, par sa famille. Lors d’un déjeuner chez Léon, le célèbre bouchon lyonnais, avec Philippe Malaud et Michel Gillibert, il m’avait proposé que je le rémunère sous forme de salaire mensuel pour nous faire bénéficier de ses relations avec son mentor, mais Philippe Malaud s’était alors écrié : “Ce n’est pas nécessaire, je connais bien François Mitterrand et l’autre jour je suis rentré avec lui dans l’avion qui nous ramenait de Bucarest“.
Michel Noir
Je l’ai connu alors que, jeune espoir du Parti gaulliste, il venait d’être élu Maire de Lyon. Il m’avait demandé de recruter son assistant qui puisse lui apporter ses compétences pour contrôler efficacement la gestion du directeur général des Hospices Civils de Lyon dont il présidait le Conseil d’Administration. Ma recherche était sur le point d’aboutir avec la candidature, « high caliber » comme disent les anglo-saxons, d’un directeur d’hôpital privé, capable de « faire le poids » face à Renaud Dutreil, connu en France pour avoir, quand il était au Ministère de la Santé, créé la carte sanitaire. Mais au moment de signer mon contrat, je m’étais déplacé pour cela à l’Hôtel de Ville, Monsieur Noir se ravisait. Il avait préféré recruter directement le directeur de l’hôpital de l’Antiquaille faisant partie des HCL, donc collaborateur de Renaud Dutreil.
Une autre fois, il avait faux bon au Président de l’Infirmerie Protestante de Lyon, Raymond Morin accompagné de son directeur et de moi-même à l’occasion d’un rendez-vous que nous avions au Ministère de la Santé. Il avait oublié qu’il avait ce jour-là un tournoi d’échecs avec l’un de ses fils. Le hasard a voulu que je le retrouve un jour dans le TGV Paris Lyon. Il était assis et moi debout. Ainsi pour une fois je le dominais physiquement, je dois préciser qu’il était beaucoup plus grand que moi et j’ai pu lui faire part de mes regrets que nous n’ayons pas travaillé ensemble – je me suis retrouvé un jour dans son petit bureau à l’Assemblée Nationale qu’il partageait avec Alain Devaquet, aussi grand que lui, et en leur présence, je m’étais alors vraiment sentir très gêné physiquement - Cette situation où être debout dans un train alors que votre interlocuteur est assis, je l’ai vécue une autre fois dans le TGV entre Lyon et Saint-Etienne avec Michel Thiollière ancien sénateur maire de cette dernière que j’avais connu quand il était adjoint au Maire, mais je n’avais pas de reproche à lui faire.
Jean Auroux
Connu comme Ministre du Travail de François Mitterrand et les lois qui portent son nom, je l’ai connu comme Maire de Roanne. Un jour, nous sommes allés tous les deux à la Caisse Nationale d’Assurance Maladie défendre le dossier de la Clinique Pierre Brossolette que j’avais aidée à se réaliser. J’en parle assez longuement dans mon livre « Une vie au service de l’hospitalisation privée »**. A l’issue de la réunion, je me suis aperçu qu’un homme politique avait peu de poids face à l’Administration pas plus qu’il n’en avait face aux banques. Notre déplacement n’avait servi à rien. Cette réunion m’en a rappelé une autre, cette fois dans les salons de la Banque Paris-Bas à Paris avec ses dirigeants qui nous avaient invité à dîner, Philippe Malaud, alors directeur du Cabinet de Couve de Murville, ministre des Affaires Etrangères et moi-même pour parler de la SIATLI et de notre projet de drugstores, la banque étant déjà propriétaire de celui de la rue de Berry. A la sortie de notre réunion en descendant les escaliers – le restaurant était au dernier étage à ciel ouvert d’un immeuble rue de l’Opéra- Philippe Malaud m’avait dit : “ Vous verrez que nous aurons droit à une boîte de chocolats“. J’ai revu un jour Jean Auroux à la fête du livre à Saint-Etienne où il m’a dédicacé le livre qu’il venait d’écrire.
Alain Jarrot
Ministre, compagnon de la Libération, maire de Montceau les Mines. J’avais fait sa connaissance lors de la construction du Centre Médico-chirurgical de Dracy-Le-Fort pour lequel il était intervenu auprès de sa collègue Simone Veil ministre de la Santé pour obtenir l’autorisation de création de lits contestée alors par les autorités locales. Un jour que nous voyageons ensemble dans le TGV en montant à Paris, il m’avait avoué non sans une certaine fierté qu’aux Conseils des Ministres auxquels il participait , il était le seul à porter une arme si quelqu’un était venu pour les prendre en otages, il s’en serait servi.
Daniel Mandon
Il l’a été surtout connu dans son département, la Loire. Universitaire, sociologue, Maire de Saint-Genest-Malifaux, conseiller général et député. Nous partagions les mêmes idées bien qu’appartenant à des milieux professionnels très éloignés. Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois, notamment au sujet de mon essai « Mérites-tu vraiment ton salaire ? » qu’il avait bien volontiers préfacé. Il n’était pas avare d’anecdotes sur la vie au Palais Bourbon chaque fois que nous nous rencontrions.
*Mon premier livre édité à compte d’auteur en 1973
**Aux éditions Ifrhos. editionsifrhos@orange.fr